LE SERPENTÀ PLUMES
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Les rites initiatiques

20/4/2016

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Après l'orage de grêle qui a touché nos vignes vendredi dernier, il nous a fallu quelques jours pour aller de nouveau de l'avant. Repartir dans les vignes et voir tous ces petits rameaux arrachés ou brisés avait quelque chose d'organiquement douloureux.
Comme dans beaucoup de secteurs du plateau de Cahors, nous évaluons la casse dans nos vignes à 25 ou 35% des bourgeons, selon le pied et selon aussi là où l'on se trouve dans la parcelle. Nous ne sommes pas les plus à plaindre, certains ont été plus durement frappés. Chez nous, ce niveau de dégâts est sérieux sans pour autant constituer une catastrophe.
​Les commentaires à l'article de Maya ont été nombreux sur les réseaux sociaux, notamment de la part d'autres vignerons, qui évoquaient l'aspect "initiatique" de la première grêle. D'autres collègues (comme Nicolas Lesaint ici et ici) ont également écrit sur cette sensation de fragilité et de perte. Nous nous sommes sentis moins seuls. Nous avons aussi mieux compris cette sensation hébétée, déprimée, qui a suivi l'orage et la constatation des dégâts.

Pour nous guérir nous, autant que pour essayer de panser les vignes, nous avons préparé un traitement "maison" à base de tisane et de macération de plantes. L'objectif : renforcer les pieds blessés et relancer leur croissance. Un jour après, nous étions donc dans les rangs, pulvérisateur au dos. Ça nous a pris de longues heures mais nous en sommes sortis plutôt rassérénés. Et nous n'avons plus évoqué la grêle. A présent, les contre-bourgeons commencent à pousser par endroits. Nous espérons que dans deux semaines, la grêle ne sera qu'un mauvais souvenir, seulement perceptible par l'absence des rameaux qui manqueront sur les pieds.
De la prêle sèche et un traitement à la tisane

Côté démarches, tout s'accélère.
Nous avons déposé les statuts de l'entreprise. C'est une procédure assez simple, un formulaire à remplir, plus un autre pour l'ACCRE, qui se fait au centre de formalités des entreprises de la Chambre d'Agriculture. En dix minutes, c'était fait, il fallait juste cocher les bonnes cases concernant les options fiscales (bénéfices agricoles et régime TVA). Le centre de formalités se charge ensuite d'informer la MSA, les Impôts, etc. En fin de compte, recevoir le numéro d'identification SIRET de son entreprise est aussi un vrai rite initiatique. Le projet acquiert une certaine légitimité, en tout cas une existence légale...
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L'entreprise créée, cela veut dire qu'on va pouvoir lancer plein de chantier absolument obligatoires et tous prioritaires : se faire enregistrer aux Douanes, lancer la certification en Agriculture Biologique, s'assurer, ouvrir un compte en banque...
Le dernier rite de la semaine était d'aller voir les banques pour présenter notre projet et commencer les recherches de financement de la production. Nous sommes en plein dedans et c'est un sujet vraiment complexe. Ce sera certainement l'occasion d'un article à part entière.

Pendant ce temps, le temps se réchauffe, il pleut à peu près un jour sur deux. Un temps idéal pour le mildiou. Entre les multiples étapes de l'installation, il faudra protéger les vignes le mieux possible, avec les moyens que nous avons en ce moment : notre cher pulvérisateur à dos.
Evidemment, nous devons au plus vite nous équiper : un tracteur, du matériel de culture... Tous les voisins nous en parlent à présent, et c'est vrai que c'est urgent, mais pour cela nous devons avancer auprès des banques. En ce moment, tous les dossiers doivent avancer de front. Comme le veut l'expression consacrée : nous avons du giga-pain sur la méga-planche.

Nicolas
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L'orage

16/4/2016

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Le ciel devient noir et blanc, s’arque boute et se déchire à l’infini. La nature rugit sa puissance. Elle nous rappelle que nous ne sommes que de la poussière de roche, rien, une particule dans le tumulte. J’ai toujours trouvé cela si beau, l’orage. Je me souviens, enfant, du bruit du tonnerre qui nous réveillait en pleine nuit, les éclairs blancs dans le ciel tout noir, la pluie froide, dure, sur la peau chaude et humide de la fin de l’été. J’aimais cette beauté brute et sauvage, et la douce panique, aussi, qui nous envahissait. Nous courrions partout débrancher les machines, arracher les prises de téléphone. Une fois où nous n’avions pas été assez rapides, l’alarme avait pris feu. Puis la foudre passait et nous laissait tout frissonnants de tension et d’excitation mêlées. 
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A l’heure où j’écris ces lignes, l’orage est là. Le ciel est devenu sombre en plein jour, à défaut de s’éclairer en pleine nuit comme dans mes souvenirs d’enfant. C’est le troisième en quatre jours. Les deux premiers ont amené avec eux leur lot d’angoisse et de tristesse. Alerte orange grêle. Méteo France a tamponné le grand G sur Cahors cette après-midi. 
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Hier soir, ils n’avaient rien vu venir. La journée avait été chaude et ensoleillée, joyeuse. Nicolas avait remarqué, vers 19h, s’accumuler les cumulonimbus, au loin, du côté d’Agen. Le plateau, à Cahors, a la particularité d’offrir le ciel à celui qui regarde. On voit tous les nuages passer sur la vallée de la Garonne, au-dessus de la Dordogne, filer vers l’Est ou s’accumuler à l’Ouest. Des paysages entiers emplis de nuages. On croirait se noyer dans tous ces horizons. 
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Vers 22h, le ciel se déchirait enfin. Il semblait éclater de tant de lumière. L’enfant en moi se réveillait et je trouvais ça beau. Beau et terrifiant. Puis nous l’avons entendue arriver. La crainte de tous les agriculteurs. Elle prévient avant de frapper, claquant sur la terre, tambourinant sur le sol détrempé. La grêle. Sans pitié. « C’est ça d’être agriculteur, on travaille, on travaille et en un quart d’heure, on a tout perdu » comme dit ma voisine à l’accent d'ici de sa voix chevrotante. 
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Nous n’avons pas tout perdu hier soir, heureusement. Quelques bourgeons se sont volatilisés, ici ou là, arrachés par les noisettes de glace. Ajoutés aux dégâts des escargots, bien nombreux après un hiver si doux, 20 à 30% des petits rameaux ont disparu. Si tôt, la vigne peut encore se remettre…
Mais j’ai surtout perdu mon amour d’enfant et beaucoup de mon insouciance. Et si jusqu’à maintenant je ne réalisais pas encore, je crois bien que j’ai franchi un vrai cap dans notre installation. Hier soir, dans la douleur et l’angoisse, la nuit, à regarder les grêlons tomber du ciel, les prenant, glacés, dans ma main tremblante pour évaluer leur taille, je me suis sentie devenir vigneronne. 
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- Maya - 
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Sortie d'hiver

10/4/2016

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Le bail des vignes signé, fin février, nous avons dû mettre les bouchées doubles. Au fur et à mesure des semaines, nous avons vu les pommiers et les pruniers fleurir, les pâquerettes et les pissenlits apparaître dans les prairies, les hirondelles revenir de migration : le printemps était en avance, et on pouvait l’entendre arriver. Aller dans les vignes pour finir le travail à temps est devenu la priorité absolue.
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Premier travail : la taille. Nous en avons bavé, du moins au début. Il a tout d’abord fallu se rendre compte qu’avec nos sécateurs à main, c’était hyper dur. Certains de nos collègues vignerons ont abandonné leurs sécateurs électrique pour des outils à main japonais, à la qualité de coupe impeccable ; nous aurions bien aimé les imiter. Mais la parcelle que nous reprenons est bien trop vigoureuse, avec des sarments nombreux et de beau calibre. Non seulement les mains souffraient, mais nous n’avancions pas. Au bout de deux semaines, changement de plan. Après avoir écumé le Bon Coin et trouvé la bonne occasion pas trop loin de chez nous, nous étions équipés avec un sécateur électrique chacun, batterie à la ceinture, prêts à dépoter. Le rythme a augmenté d’un coup et nous nous sommes sentis pousser des ailes.
 
Alors que nous passions nos journées à observer les pieds et à tenter, sur chacun, de former la plante selon les principes de la taille Guyot-Poussard, nous avons été heureux de voir se multiplier, sur Internet et dans la presse, les articles consacrés à cette technique, alors qu’ici, les avis étaient plutôt sceptiques. La prise de parole éclairante de Jean-Michel Comme (directeur technique du château Pontet-Canet, à Pauillac) dans le Point, mais aussi celle de Pascal Lecomte dans La Vigne, nous ont fait plaisir, le soir, à l’heure de se masser les mains. Si le sujet vous intéresse, que vous souhaitez mieux comprendre ce qu’on entend par « respect des flux de sèves », nos amis de Dambach-la-Ville, Florian et Mathilde Beck-Hartweg, y ont consacré une vidéo Youtube.
Pied après pied, l’habitude venant, nous nous sommes vu travailler mieux et surtout plus vite. Nous avons taillé le dernier rang à une vitesse tout à fait honorable, dix fois plus rapidement que le premier rang. Nous ne sommes déjà plus des tailleurs débutants.
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La taille est le principal chantier de l'hiver, mais ce n'est pas le dernier. Une fois cela terminé, il faut tirer les bois. Cela consiste à enlever du palissage les branches qui ont été supprimées à la taille, puis à les placer en tas bien compact au milieu du rang pour les broyer un peu plus tard.
 
A ce niveau de l’article, une définition de certains termes techniques s’impose. Pas d’inquiétude, faisons cela en image :
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Le long sarment, c’est la baguette. Les bourgeons qu’elle porte donneront les rameaux sur lesquels pousseront les feuilles et les fruits. C’est elle qui porte la quasi-totalité de la récolte de l’année.
Les deux petits segments, ce sont les coursons. Le premier se trouve juste sous la baguette, l'autre est en haut à droite du pied, juste sous le fil. Les coursons sont peu fructifères, mais ce n’est pas leur fonction première. L’objectif, c’est que les rameaux issus de leurs bourgeons forment les branches gardées à la taille l’an prochain, c'est-à-dire la future baguette… et le futur courson.
 
Dans la taille Guyot classique, il n’y a qu’un courson. Dans la taille Guyot-Poussard, comme sur la photo, on en conserve deux, un de chaque côté du pied, pour justement faire circuler la sève des deux côtés. Si l’on abandonne un côté en supprimant le flux, le bois se nécrose et des champignons s’y développent, pouvant dans le pire des cas tuer le pied.
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Tout ça pour vous parler de l’attachage. Cela consiste à rabattre la baguette sur le fil bas du palissage. Plus la baguette est basse et près du fil, plus les rameaux auront de place pour monter jusqu’en haut du palissage. C’est capital, car pour faire mûrir les raisins, il faut suffisamment de feuillage.
 
Nous avons pu nous rendre compte que le Malbec, à l’attachage, était un cépage plutôt capricieux. Un peu trop de brusquerie et la baguette se rompt. S’il y a quelque chose de contrariant, après avoir taillé soigneusement son pied, c’est bien de casser une baguette. Presque pas de récolte sur le pied, les rameaux des coursons qui vont grossir sans retenue et compliquer la taille de l’année suivante : c’est une catastrophe en miniature à chaque fois que cela arrive. Alors on peste, on se dit qu’on a était trop brutal, qu’il vaudrait mieux attacher sous la pluie, que la baguette était trop grosse... puis on se rappelle que tout le monde casse une baguette de temps en temps. Pour éviter de telles montagnes russes émotionnelles, on plie doucement, en faisant délicatement craquer le bois avec des gestes contrôlés, on ruse, et finalement, on place le lien qui maintient la baguette à sa place. ​
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Alors que nous attachions les derniers rangs, nous avons pu voir la vigne commencer son cycle. Les bourgeons ont gonflé, dévoilant leur bourre cotonneuse, puis ils ont peu à peu éclaté. Aujourd’hui, on commence à voir une ou deux petites feuilles sortir sur les pieds les plus précoces. C’est vraiment une période fascinante qui démarre. Chaque jour, la vigne va montrer un visage légèrement différent de la veille.

Les travaux d’hiver sont maintenant terminés. La saison végétative débute, avec dix jours d’avance sur la moyenne d’après les techniciens du secteur. Les travaux de printemps commencent ; il va falloir protéger les jeunes feuilles et les jeunes rameaux du mildiou et de l’oïdium qui vont bientôt les menacer, canaliser la végétation, nourrir et entretenir les sols... On ne va pas s’ennuyer ;)

Nicolas
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