LE SERPENTÀ PLUMES
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Une savoureuse escapade

28/5/2015

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Il suffit de pas grand-chose pour réaliser un vieux rêve. Quelques jours de congés à poser, l'existence d'une liaison low-cost à partir de Bâle, et voilà : nous sommes partis deux semaines loin de chez nous.
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Ce pays, pour un passionné de vin, c'est l'évocation d'un très vieux pays viticole, peut-être même, avec les pays du Caucase, l'origine de la culture de la vigne. J'avoue avoir été plutôt excité à l'idée qu'on nous ferait peut-être goûter du breuvage. Malgré l'interdiction totale du vin et de l'alcool en général dans les lois locales, sauf pour les rites des communautés chrétiennes, et les très sévères sanctions en cas de flagrant délit d'ivresse, on m'avait dit que derrière les portes des maisons, une fois dans l'espace privé, on fermentait et distillait avec assiduité. Alors, qu'en est-il en réalité ?

La réalité, on a pu la goûter sur un tapis, autour d'un verre à shot rempli à ras-bord par un couchsurfer de 25 piges avec qui nous avons passé quelques jours. Comme beaucoup, chaque automne, il se procure des raisins de table au marché ("les plus sucrés"), et avec un ami qui s'y connaît, s'emploie à les vinifier. Le résultat, sorti d'un jerrycan, est un peu désagréable. Le vin est franchement fort en alcool, sans acidité, avec des arômes de raisins secs. Le côté brûlant s'explique facilement : le degré alcoolique a été augmenté par un ajout de sucre blanc avant fermentation (la fameuse chaptalisation). Pourquoi ?
- " Pour que ça défonce plus, tu crois quoi ?", s'est esclaffé le vinificateur amateur.
Je l'ai complimenté pour son résultat. Après tout, le cahier des charges était respecté, c'était très fort et plutôt net. Mais c'était bien loin d'un vin. Je me suis demandé si les vignes de raisin de cuve, soudain honnies et arrachées, s'étaient replantées, et si certains maintenaient une vraie culture vinicole en secret.

Tant que nous parlons picole, il faut saluer ici l'ingéniosité des brasseurs "artisanaux". Là-bas existe une boisson assez étrange, la bière islamique. Évidemment sans alcool, il s'agit d'une macération d'orge, gazéifiée artificiellement, et contenant pas mal de sucres. Ce n'est pas franchement bon mais il s'en vend beaucoup. Les apprentis brasseurs y trouve une parfaite matière première, une vraie binouze en kit : il suffit d'ajouter des levures de boulanger et de patienter quelques jours pour fermenter ces sucres en alcool et obtenir une bière blonde non filtrée.

De notre côté, nous nous sommes rabattu sur une spécialité locale bien plus saine : le jus de carotte.
C'est le jus de fruit le plus commun, et le plus apprécié avec celui de melon vert. Sur les marchés, dans les rues, à l'entrée des bazars, il y a toujours un stand exposant ses carottes empilées et prêtes à passer à la centrifugeuse. En version toute simple dans la rue, ou agrémenté d'une boule de glace au safran pour finir un repas au restaurant, c'est toujours un pur délice. Au rythme d'un ou deux par jour, nous avons clairement pris le risque de devenir orange.
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On pourrait aussi évoquer pendant des heures le chai, un thé noir à consommer avec un morceau de sucre entre les dents. Mais voilà, je n'ai plus très soif et j'ai plutôt envie de passer à table.

Qu'est ce qu'on mange alors ? Beaucoup de riz, beaucoup de pains plats de toutes sortes. Des kabab, c'est à dire du poulet ou d'autres viandes embrochées sur des lames et grillées au charbon de bois. Des purées à l'aubergine et au riz. Du ragoût au jus de grenade. Des omelettes aux herbes. Du fromage frais, des tomates et du concombre (au petit-déjeuner).
Mais l'idée authentique et géniale que nous ramenons avec nous, c'est les bouquets d'herbe fraîche. Si vous avez lu de la littérature locale comme par exemple le recueil de nouvelles Le goût âpre des kakis, vous aurez remarqué que, toutes les trois pages, une femme est en train de trier des herbes fraîches. La raison, c'est qu'à chaque repas, on vous apporte une botte de persil, de coriandre, de cives, d'estragon, de sariette, de basilic violet, et parfois d'autres choses encore. On le mange avec son pain et son fromage frais, les herbes rafraichissent la bouche et soulignent les saveurs du plat. C'est exquis.
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Je ne peux pas finir ce billet sans parler d'une autre passion : le pique-nique. Dans tous les parcs, dans les jardins, sous les arches des ponts, sur les pelouses des places centrales, des gens pique-niquent. Nul sandwich, nulle table en bois dans cette affaire. Il vous faut des tapis, des plats cuisinés, des couverts, du thé. Et de l'élégance. Manger dehors n'est pas une raison pour que le repas soit moins soigné, et les convives négligés.
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Nicolas

Toutes les photos sont de nous, sauf celle des herbes fraîches, issues du blog culinaire Un peu gay dans les coings.

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De l'eau dans mon vin

3/5/2015

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Aujourd'hui, je publie un texte qui n'est pas de moi.
Il est de Raphaël Gimenez Fauvety, qui l'imprime sur les sacs en papiers de la cave qu'il tient à Paris, les Caprices de l'Instant (on peut également trouver un chouette article sur ce caviste ici).

J'aime beaucoup aller, de temps en temps, aller acheter une quille là-bas. Depuis le temps, je crois connaître un peu le vin, les régions, les producteurs. Pourtant, j'en sors en ayant fait une découverte : une appellation, un producteur, voire plus important... Ainsi à ma dernière visite, quand le caviste m'a fait comprendre la notion d'accord mets-vins sous un jour que je n'avais jamais envisagé. Je lui demandé un vin pour aller avec des côtes d'agneau grillées. Il m'a dit :
- " L'agneau, très bien. Mais quel sera l'accompagnement ? C'est le plus important. "
Des pommes de terres aux herbes de Provence, avec de l'ail et un peu d'huile d'olive : il faudra aller dans les Côtes du Rhône méridionales, dans le Sud en tout cas. Des haricots verts ? Alors un Bordeaux, un Médoc, pour jouer sur le végétal des cépages bordelais. Enfin, un accompagnement rustique, comme des haricots blancs, des pommes de terre sarladaises, réclameront un vin plus corsé, quelque chose du Sud-Ouest par exemple. Petite révélation.
Nous avons donc d'abord décidé de l'accompagnement, et sommes sortis de la cave avec un vieux Madiran, de presque 20 ans, de la cave de Plaimont. Il aurait fallu en acheter plusieurs bouteilles tellement c'était bon, et tant la bouteille s'est finie vite. Évidemment, l'accord était parfait. On a trinqué à la santé du caviste.

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De l’eau dans mon vin

Chambolle-Musigny vient du latin Campus Ebulliens, car sous les vignes, il y a des eaux capables d’agitation, celles du Grosnes. L’Aquitaine, son nom l’indique, est le pays de l’eau et le Médoc, du latin Medio Acquae, est « au milieu de l’eau ».
Large zone inondable, culminant à seulement 43 mètres, nos Pays-Bas en somme, ce sont donc des spécialistes hollandais qui sont venus au XVII siècle, combler, assécher, bâtir des digues. Dans la vallée de la Sonoma viticole, il tombe 100 millimètres d’eau en moyenne par an. À Mendoza, Argentine Orientale, 300, le reste des besoins c’est du goutte à goutte, le même repas tous les jours durant toute une vie. En Bourgogne, le tarif c’est 700, presque 1000 en Aquitaine. Dans une bouteille de vin, il y a, suivant les régions et les millésimes, entre 82 et 90% d’eau, le reste, c’est de l’alcool et un peu de chimie. Une infime partie du liquide donc, un ou deux pour cent, suffirait à faire toute la différence ? Oui et non. Cette eau peut tour à tour manquer, 2005, assécher, 1989, activer, 1996, détruire, 1994. Le soleil, suivant son action durant le cycle de la vigne, peut être magnifiant, exaltant, 2009, ou bien rabougrir le raisin à force de le cuire, 1995. En général, il est présent puis absent, brûlant puis timide, la France en somme.
Les grands terroirs sur lesquels de la vigne a été plantée, sont drainants (Hermitage), capable de recevoir une quantité d’eau qui inonderait la plaine (Crozes-Hermitage). Dans l’histoire des cultures, cette plaine est la priorité, manger avant de boire. Betterave, blé ou colza passent bien avant la vigne, qui sera servie la dernière, plantée là où elle seule pousse. Heureusement, vitis vinifera, la vigne du vin, a la dent dure. Les coteaux laissent glisser l’eau vers le ruisseau ou le fleuve situé en contrebas. Granit ou schiste de la Côte Rôtie, calcaire de la Côte des Blancs, tuffeau des coteaux du Saumurois. Si l’argile, qui retient davantage l’eau, est présente avec le calcaire, comme en Côte d’Or par exemple, alors les plus grands terroirs sont ceux où la pente est la plus forte, ou le sol plus filtrant, Clos Saint-Denis, Chevalier-Montrachet, Cras de Chambolle, Musigny, Corton-Charlemagne ou Laveau-Saint-Jacques.
L’eau régule, on dit aussi que les plus grands Médocs voient la rivière, et en effet, parmi ceux qui la voient, il y a Palmer, Latour, Ducru-Beaucaillou, Margaux ou Pichon-Comtesse. Rivière, rus minuscules, cours d’eau apparents ou souterrains, grands fleuves, l’eau est présente partout où on fait du bon vin. À tout seigneur, tout honneur, la Loire, le plus grand de nos fleuve, défile tour à tour devant Pouilly, Sancerre, Gien, Amboise et Bourgueil, Montlouis et Vouvray, Chinon, Saumur et j’en passe ! Son influence se fait sentir directement dans 73 appellations d’origine contrôlées, 20% du capital des terroirs viticoles de ce pays. Le Lot, la Durance, le Cher, l’Aude, qui serpente entre les vignobles des Corbières, de Limoux, de la Malepère, de Cabardès. Le Rhône, les Rhônes ai-je envie de dire, où se jettent la Saône, l’Isère, la Drôme, la Sorgue, fille de la fontaine du Vaucluse. Il y a la Gironde, nourrie de la Garonne et de la Dordogne, le Doubs, l’Ardèche, l’Hérault et le Gard. Que d’eau, me direz-vous, quel bonheur plutôt ! Les vins de France doivent tant à cette profusion d’eau vive. Ajoutons les innombrables affluents, confluents, torrents descendus des montagnes, tous ont leur influence. Le petit Serein, l’air de rien, coule en plein Chablis, à Vougeot c’est la Vouge minuscule, à Meursault, rus insignifiants mais influents, Lamponne, Rimbert, ruisseau de Meursault. Il y a la Dheune à Santenay, à Nuits-Saint-Georges le Meuzin, la Vendaine à Pommard, le Gave qui traverse Pau, au pied du vignoble de Jurançon, l’Adour qui croise en terre de Madiran. Tantôt apparent, tantôt souterrain, le réseau hydrologique du terroir de Pessac-Léognan est capital, les rivières drainent les vignobles ou les tiennent au frais. Breyra, Saucats, Eau Bourde, Eau Blanche, ont su amadouer le courroux du caniculaire millésime 2003 dans la patrie de Montesquieu. Entre Barsac et Sauternes, il y a le Cirons miraculeux, sans qui point de botrytis cinerea pour grandir la complexité des liquoreux à l’aube de l’automne. Les liquoreux d’Anjou boivent du Layon, de l’Aubance, du Thouet, tous finissent leur course dans la Loire. Fecht, Thur, Doller traversent le vignoble alsacien pour se jeter dans l’Ill, qui à son tour, se jette dans le Rhin. 
Des villes de vin s’appellent Villefranche-sur-Saône, Tournon-sur-Rhône, Pouilly-sur-Loire. Les rivières donnent leur nom à tant de départements, et en particulier à ceux où on fait du vin. Les montagnes, les collines et les monts ont aussi leur importance, contreforts du Massif Central, les Cévennes où on produit les meilleurs vins du Languedoc, l’Ardèche, terre du profond Cornas. Si les collines surplombent le Lot, alors on fait du Cahors, si elles dominent le Tarn, alors on fait du Gaillac. Il y a la Montagne de Reims, tout comme il y a aussi le Jura. De Jura à Jurassique il n’y a qu’un pas, l’eau est mère de la géologie des vignobles qu’elle a patiemment formée. De la mer originelle au soulèvement alpin, strate après strate, dépôts, alluvions et colluvions, de la Méditerranée à la Manche, à travers le sillon Rhodanien, en esquivant le Massif Central par l’est, le Jura par l’ouest, les montagnes des Ardennes par le sud, la mer a façonné le Mâconnais, le Sancerrois, la Côte Chalonnaise ou le Chablisien. De l’eau, encore de l’eau, j’en reprendrais bien une goutte.
Influence océanique cela veut dire pluie, et s’il en faut pour les nappes phréatiques, il en faut aussi pour le vin. Trop, c’est trop, comme en 1965, mais pas assez, ça ne fait pas du vin français. Avec cent jour de beau de rang, Monsieur Charmolüe, alors propriétaire de Château Montrose, a dit de son millésime 1990, que c’était certes un grand vin, mais certainement pas du Château Montrose.
Robert Parker a chanté les louanges du Château Cheval Blanc 1947, sans doute parce qu’il est lui-même de ce célèbre millésime, mais c’est la manière dont il a décrit ce vin, comme ressemblant à s’y méprendre à un Porto millésimé, qui oblige à dire que le propos d’un vin français, n’est pas de ressembler au plus grand des vins du Portugal, et qu’une onctueuse « sucrosité », n’est pas l’apanage premier d’un Saint-Emilion sur terroir de graves. Aucun des six millésimes qui ont précédé le classement des vins du Médoc de 1855 ordonné par Napoléon III, n’a laissé la moindre trace dans les annales des vins de Bordeaux, pourtant, il n’y a pas d’erreur. Cela veut dire que cette terre est capable, par tous temps, et donc aussi et surtout, par mauvais temps, de livrer des grands vins : un grand terroir, c’est ça.

Raphaël Gimenez Fauvety.  

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