LE SERPENTÀ PLUMES
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Vendanges blues

14/10/2015

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Quand on travaille dans la production de vin, on attend tous les ans le début des vendanges avec un mélange de joie et d’appréhension : une joie pure et intense, car c’est là que tout finit et que tout commence ; une angoisse diffuse car on sait à quel point cela va être dur.
Comme tous les ans, encore, on sent arriver la fin des vendanges par une multitude de petits signes. La voiture d’abord, se remplit d’affaires diverses, c’est un peu comme une deuxième maison. On y trouve à boire, à manger et souvent de quoi se changer. Les habits sont de plus en plus tâchés, malgré la lessive quotidienne. Les repas deviennent frustes, rapides et copieux.
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​Les mains changent, elles sont noires et calleuses, abîmées, musclées comme jamais. Le dos commence à lâcher, puis c’est le corps entier qui craque, il s’effondre peu à peu, comme un château de cartes. On sait que l’on a trop tiré mais que l’on doit tirer encore et que l’on doit serrer les dents, très fort parfois, parce que ce n’est pas encore fini. Le corps se transforme aussi, et c’est beau, on maigrit, les muscles se dessinent sous la peau, c’est ferme et tendu. Les cernes se creusent sous les yeux fatigués, le réveil est de plus en plus difficile. Parfois, la maladie s'invite, une angine souvent pour moi, mais pas question de s’arrêter, il faut tenir.
C’est aussi une période où les liens se resserrent. On vit intensément ces moments avec d’autres et on a souvent envie de prolonger treize heures de travail en commun par des apéros, des sorties, des repas. Le réveil du lendemain n’en sera que plus dur, mais je n’ose pas imaginer des vendanges sans ces instants d’échange et de partage. Dans ces moments je ressens le besoin de me faire belle, peut-être un peu plus que d’habitude, de m’extirper de mes vêtements tachés de rouge, trop larges et poisseux, pour enfiler mes robes les plus féminines, mes bijoux brillants et mes escarpins. Mes mains font tâche mais qu’importe, je ne mettrai pas de bague aujourd’hui.
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Mais le plus difficile, le plus éprouvant de tous ces changements, c’est le blues des vendanges. Il arrive de façon insidieuse, à tâtons, et soudain il est là, bien réel. On a l’impression que les bennes de raisin ne vont jamais finir d’arriver, que le nettoyage ne sera jamais assez bien fait, que les vendanges ne vont jamais s’achever, ni la fatigue, ni la douleur. On se dit souvent « ce sont les vendanges les plus dures que je n’ai jamais faites » en ignorant la petite voix qui ricane en arrière plan, car cette phrase on la prononce presque tous les ans.
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Après plusieurs années aux vendanges simples ou doubles, j’ai fini par m’y habituer. Je vois les signes précurseurs et tiens bon quand il est là. Cela ne le rend pas plus agréable à supporter mais je résiste, car je sais qu’il est surtout annonciateur d’un moment superbe, d’un moment de bonheur brut : la dernière benne de raisin.
La dernière benne de raisin, c’est la fête. Le plus gros du travail est fini, la récolte est à l’abri. On va pouvoir sortir la tête hors de l’eau et s’occuper à temps plein de la vinification. Il est aussi temps, pour beaucoup de vignerons que je connais, de partir sur les salons, mais cela je ne peux pas encore en parler. Pour moi, la fin des vendanges c’est avant tout la possibilité de goûter enfin sereinement toute la cave et de prendre un peu de recul sur le travail accompli. C’est le moment d’être fiers et heureux. Et peut-être même de rêver à ce que l’on fera l’année prochaine. ​​

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photo de Guillaume Mirand au Mas del Périé
- Maya -
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Cédants cherchent repreneurs (et vice-versa)

12/10/2015

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Le 24 septembre, nous avons mis les vendanges entre parenthèses pour nous rendre à la journée "Rencontres en terre lotoise" de la Chambre d'Agriculture, organisée pour faciliter la transmission des exploitations agricoles.
Les animateurs et conseillers de la Chambre d'Agriculture du Lot avaient invité une quinzaine de "cédants" et une petite dizaine de "repreneurs" pour réfléchir aux enjeux de l'installation. Comment se rencontrer ? Comment s'entendre ? Une ergonome, Maryline Mallot, avait également été invitée pour animer la journée et démêler les concepts clés de ces questions.
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Parmi les agriculteurs présents, certains cherchaient à céder en vue de prendre leur retraite, d'autres étaient plutôt là pour trouver un associé à faire entrer dans l'exploitation. La grande majorité étaient des éleveurs : vaches allaitantes, vaches laitières, brebis ou chèvres. Aucun viticulteur (vendanges obligent), mais ce n'était pas forcément notre attente majeure.
Les candidats à l'installation, eux, étaient tout à fait conformes au profil type du "hors cadre familial" : un quart de femmes, pas mal de maraîchers, une moyenne d'âge de 30 ans, et plus de la moitié souhaitant se lancer en agriculture biologique.
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les candidats à l'installation - photo Marielle Merly pour la Dépêche du Midi
​Pendant la matinée, nous avons travaillé en groupes séparés, agriculteurs d'un côté, aspirants agriculteurs de l'autre, pour essayer de définir ce qu'est un bon cédant et ce qu'est un bon repreneur, avant de mettre en commun les résultats. Attention, pas de blagues façon les Inconnus sur le bon repreneur et le mauvais repreneur : c'était un exercice très enrichissant, particulièrement la séance de restitution.
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 D'un côté comme de l'autre, finalement, on parle le même langage : on veut de l'engagement, des projets clairs, de l'ouverture d'esprit. Avoir des projets définis et ne pas avoir peur d'en parler. Faire comprendre que chaque génération fait ses choix en fonction des contraintes de l'époque. Je ne vais pas dire qu'on est tombé des nues, mais il y avait tout de même une part de surprise en constatant que cédants et candidats partagent les mêmes attentes et les mêmes peurs.
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Nos projets sont bien réfléchis, et par conséquent bien définis. Nous avons parfois peur que cela heurte les cédants. C'est en fait tout le contraire : tant les agriculteurs que l'animatrice nous ont félicité de savoir, et de faire savoir, ce que nous recherchions et comment nous envisagions de travailler.

L'après-midi a été davantage consacré aux installations progressives et à l'association. Nous avons entendu le témoignage de deux éleveurs associés, l'un dans sa cinquantaine, l'autre tout juste installé. L'ergonome a mis à profit cette intervention pour nous faire réfléchir au travail en association. Cela nous concerne aussi de près, et nous avons profité de ces réflexions, puis de la discussion qui a suivi.

Un des agriculteurs présents regrettait le manque de candidats à l'installation. Une personne de la salle, un professionnel, a répondu : en cherchez vous réellement, accueillez vous des stagiaires, des apprentis ? Quand vous communiquez sur votre métier, le rendez vous désirable ? Ces questions, dures mais réalistes, ont fait écho chez moi à toutes les fois où un agriculteur m'a répondu, après avoir dit que je voulais devenir vigneron : "tu ferais mieux de rester salarié". Manière de tester la motivation ? Peut-être, mais pas seulement...
Le même intervenant a ensuite déclaré, catégorique : "les repreneurs ne vont pas arriver dans la cour de votre ferme, un matin, et vous demander si vous voulez prendre votre retraite". Maya et moi avons échangé un regard de connivence : c'est pourtant souvent un peu de cette façon que nous prenons contact et que nous effectuons nos recherches. Par le bouche à oreille, et frontalement. Espérons que cela nous sourie bientôt.

Nous étions arrivés à la journée légèrement nerveux, nous en sommes repartis sereins, avec l'impression de mieux pouvoir nous mettre à place de nos futurs interlocuteurs.

NB : pour continuer la lecture, la presse régionale a consacré des articles à cette journée, notamment la Vie Quercynoise et la Dépêche.

​Nicolas
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Fin septembre dans les vignes

9/10/2015

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Tous les ans, en septembre, c'est la même chose : je disparais. Ma famille et mes amis ne m'en tiennent pas rigueur, ils savent que je ne répondrais quasiment plus aux textos, que m'appeler ne sert à rien : c'est l'éclipse annuelle. Les vendanges. Quand le raisin est mûr, tout s'arrête, et ça dure quelques semaines.

Cette année, c'est plutôt simple. Pour une fois, depuis longtemps, je n'ai pas la responsabilité d'un chai et d'une équipe. Ce n'est pas pour autant que je me la coule douce. Maya et moi travaillons comme vendangeurs au Mas del Périé, le domaine de Fabien Jouves, sur les hauteurs de Cahors, dont j'aime les vins. Ce sont des Cahors sur la finesse, sans rusticité, qui recherchent l'expression d'un terroir. Beaucoup de vins de Cahors doivent être conservés plusieurs années avant d'être ouverts, mais ce n'est pas le cas des vins de Fabien Jouves, immédiats, savoureux et hautement buvables rapidement après la mise en bouteille.
Nous faisons donc partie de l'équipe d'une vingtaine de personnes chargée de récolter et de trier les raisins des parcelles du domaine. Le soir, la journée de coupe terminée, nous participons aux travaux de cave : quelques remontages et soutirages, et beaucoup de nettoyage.
C'est l'occasion de se maintenir actifs, de ne pas rater un millésime, et de continuer à apprendre. De goûter beaucoup de bons vins aussi : que ce soit les vins du domaine le midi, et ceux d'autres vignerons le soir, autour d'un verre après le boulot, je crois que je n'aurai jamais dégusté d'aussi bonnes choses que pendant ces vendanges. Ce sont pourtant mes onzièmes !

Déguster les vins des autres, notamment ceux d'Emmanuel Reynaud dans le Vaucluse ou de Bernard Plageoles à Gaillac, goûtés cette saison, c'est aussi se demander comment font certains pour avoir un style si fort et si reconnaissable. Bien sûr, il y a le terroir ; mais certains vignerons signent leur propre interprétation du terroir d'une façon unique. Comme en littérature : on ouvrant un roman, on peut souvent deviner de quel courant littéraire il s'agit ; on peut aussi, de façon plus rare, savoir qui est l'auteur au bout de quelques lignes. Je n'aime pas tous les vins de Plageoles, ni tous les livres de Houellebecq, mais cette façon toujours identifiable d'exercer son art est un tour de force admirable.
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A présent, tous les raisins sont récoltés. C'était beau, mûr et sain. J'aurais bien aimé participer à la suite, suivre les macérations et les décuvages, mettre les vins en élevage, surveiller les fins de fermentations, mais mon boulot est terminé. Je boirai les vins des raisins que j'ai coupé ; c'est déjà bien pour 2015.

​Nicolas
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