LE SERPENTÀ PLUMES
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Vendredis du vin #86 : racines

25/6/2016

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Tous les mois, les blogueurs vinophiles sont conviés à raconter une histoire selon un thème désigné par un président tournant. Pour cette édition, l'auteur du blog EscapadeS a choisi "les vins racinaires". Ça m'a donné envie de faire un petit flashback et plutôt que de vous parler de minéralité ou d’enracinement dans la roche, de consacrer un court billet sur les racines de notre projet. 

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Lorsque nous avons décidé de faire le grand saut et de vivre de notre passion en devenant vignerons, nous savions que nous allions prendre la direction du Sud-Ouest. Une affaire de racines, évidemment : la famille de Maya s’est établie aux confins du Périgord et du Quercy voici trente ans. Quant à moi, après avoir grandi au Pays Basque, le grand Sud-Ouest a toujours été « chez moi ». Les mots occitans ou gascons parfois francisés qui pimentent les anecdotes, les fêtes votives qui jalonnent l’été et le printemps, la cuisine qui ne recule jamais devant la force des ingrédients et qui les assemble pourtant harmonieusement, nos amis et nos familles autour de nous, ce à quoi s’ajoutent des vignes encore accessibles pour des néo-vignerons : quelle autre destination pouvions nous prendre ?
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Pas celle-là

​Le Sud-Ouest mis à part, nous nourrissons depuis longtemps une tendresse particulière pour les terroirs calcaires. Cela tient à rien, cette signature du calcaire : le sentiment fugace de tension sur la fin de bouche, la droiture, la vivacité traçante. La puissance aussi, lorsque par bonheur l’argile s’en mêle…
 
Sud-Ouest, calcaire. Voilà ce qui nous a amené à Cahors un après-midi de décembre. Nous avions lu des commentaires élogieux sur les vins de Fabien Jouves et lui avons rendu visite dans son domaine de Trespoux-Rassiels. Fabien est arrivé des vignes, visiblement heureux de sa journée, et a entrepris de nous faire goûter tous ses vins et toutes ses cuves. 

De Cahors, je ne connaissais globalement que les vins des terrasses quaternaires, que j’avais pu goûter lors de mes études à Toulouse à la fin des années 2000. À l’époque, l’appellation communiquait encore sur le « Vin Noir ». Et effectivement, lorsque nous prenions le métro pour rentrer après une matinée de dégust’, mes condisciples et moi avions les lèvres et les dents bien teintées, attirant sur nous les regards outrés et vaguement réprobateurs des autres passagers de la rame. Les matières de ces vins étaient intenses et soutenues par des élevages sous bois prolongés. Si j’ai goûté des vins issus des plateaux calcaires à l’époque, je n’ai pas su ou pas pu les distinguer.
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​Chez Fabien Jouves, j’ai été surpris par la fraîcheur des trames, la dentelle des tanins et la buvabilité des Cahors d’entrée de gamme. Ses grandes cuvées m’ont plu, bien sûr : le Bloc ou les Acacias sont pour sûr des grands vins. Mais j’ai vraiment apprécié l'interprétation de ce cépage juteux que qu'est le Côt – dites Malbec si vous préférez – dans sa cuvée des Escures et surtout dans celle de la Roque, pour moi un parfait équilibre entre énergie, caresse tannique et persistance.

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​Par la suite, en goûtant et regoûtant dans le secteur, j’ai pu constater que d’autres producteurs du Causse et de la Vallée arrivaient, eux aussi, à capter l’énergie typique de ce cépage fabuleux, qui, à mon sens, n’aime pas qu’on lui triture la peau pendant la vinification.
Je ne crois pas vraiment à l’idée d’un instant décisif, qui change pour toujours une trajectoire, un destin. Toutefois, dans le chevelu racinaire dense et ramifié des causes et des effets, je dois à cet après-midi chez Fabien Jouves, et à la bouteille de La Roque qu’il a dégusté avec nous, cette conviction profonde qu'il était possible de nous installer sur les hauteurs de Cahors et de travailler à élaborer des vins que nous aimerons passionnément.
 
Aux racines de cette aventure que nous racontons mois après mois, il y a donc un peu de ce vin. À présent, nous travaillons des vignes sur ce plateau calcaire qui nous a tant appelé. La floraison se termine, les grains de raisin de notre première récolte sont en train de se former. Mais c’est déjà une histoire de fruits, et plus vraiment une histoire de racines...
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Nicolas
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Vendredis du vin #84 : l'énergie

1/5/2016

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Le thème mensuel des Vendredis du vin nous a beaucoup plu. Guillaume Deschamps, depuis son blog Roumegaïre, a choisi « l’énergie ».
Et d’expliquer ainsi sa proposition :  
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​"Quand le concept d’énergie m’est venu à l’esprit, je ne pensais pas du tout au vin, mais aux vigneronnes et aux vignerons. Car de l’énergie il en faut pour produire du vin, il faut même en dépenser sans compter.
De l’énergie, il en faut pour se lancer, pour se dire « ok je deviens vigneron ». En moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, il faut se découvrir aussi bien ouvrier viticole que tractoriste et agronome ; caviste (dans le sens d’ouvrier de cave), vinificateur, oenologue ; gestionnaire, comptable, juriste, être capable de dialoguer aussi bien avec les douanes (qui contrôlent les mouvements de raisins et de vins, et se chargent de percevoir la fiscalité liée aux boissons alcoolisées) que la DGCCRF (Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes, qui contrôle aussi bien les vins que les étiquettes), le ou les ODG (Organisme de Défense et de Gestion, au niveau d’une appellation), l’interprofession (niveau régional), ou encore l’INAO (Institut National des Appellations d’Origine, au niveau national) sans parler de la Chambre d’Agriculture, la MSA (Mutuelle Santé Agricole), les diverses formes juridiques d’une entreprise agricole ou de négoce… ; communicant, marketeur, graphiste, organisateur d’événement et surtout commercial."


Evidemment, ça nous a beaucoup parlé, car ces dernières semaines nous avons travaillé sur la plupart de ces sujets : aller travailler nos vignes, passer les préparations biodynamiqus, chercher un tracteur d’occasion, trouver un nom, penser à nos futures étiquettes et à leur présentation.... Quand aux acteurs de la filière listés, nous avons travaillé avec chacun d’entre eux pour nous affilier, créer un numéro d’exploitant, obtenir ou non l’AOC cette année, monter un prévisionnel économique, au milieu d’une multitude d’autres sujets.
Parler d’énergie, au moment où nous consumons la notre sans compter, pour se retrouver épuisés le dimanche soir et recommencer de plus belle le lundi matin, ça nous plaisait.

Mais si nous mobilisons tous ces efforts, c’est par amour de la vigne et du vin, et rien que pour cela j’aborderai ce thème par ce biais. Je voudrais écrire à propos des terroirs qui dégagent une énergie impalpable mais perceptible, quelque chose qui frôle souvent le mystique. Parfois, sous la patte d’un vigneron inspiré, on retrouve dans le vin l’énergie particulière du lieu.
Je pourrai vous parler des plateaux où nous nous installons à Cahors, avec leurs vues immenses, leurs jeux d’ombres et de lumière sous les nuages épars d’un jour comme aujourd’hui, mais tout ceci ne serait pas très objectif. J’aurai pu aussi écrire à propos de la colline de l’Hermitage, qui exerce sur moi une fascination magnétique, mais malheureusement je n’ai pas goûté assez d’hermitages pour pouvoir en parler précisément.
Non : quand je pense au vin et à l’énergie, je pars tout de suite pour l’Alsace. Et à deux terroirs en particulier.
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Avec Denis, sur le Hengst
Le premier, c’est le Hengst, ce grand cru situé au-dessus de Wintzenheim. Hengst, « l’étalon », est un terroir de puissance, de vivacité et d’énergie. Un terroir qui rend dingue de passion les copains qui y travaillent des vignes. On les comprend lorsqu’on s’y rend, pas seulement pour la vue sur la vallée ni pour la beauté des vignes. Quelque chose d’indescriptible, un sentiment devant la force du monde naturel et minéral, que d’autres ont d’ailleurs dû ressentir avant nous puisqu’on trouve en haut du coteau un monolithe celte et une chapelle, où vécut un ermite.
Pour moi, les vins du Hengst, ce sont les Riesling de Christian, Véronique et Denis Hebinger, à Eguisheim. Toujours dans une puissance retenue, dans une finale large, vive et minérale. Des vins sérieux, de réflexion, qui parlent à l’âme et, fidèles à l’esprit du lieu, qui ne peuvent s’apprivoiser qu’après avoir laissé leur prime jeunesse derrière eux. 
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L’autre terroir, c’est le Bollenberg, une grande croupe calcaire entre Rouffach et Issenheim. C’est le terroir solaire par excellence, un endroit où les millésimes de sécheresse ne pardonnent pas. Mais quand il pleut assez, cela justifie tous les efforts déployés les mauvaises années. Cette colline aussi est un lieu sacré depuis longtemps : les celtes y célébraient un culte solaire, les mérovingiens y établirent une nécropole, la communauté chrétienne y construisit une chapelle. Et depuis toujours on raconte que des sorcières se rassemblent au sommet pour y fêter le sabbat.
Nous, c’est le vin qui nous y a appelés. L’endroit est vraiment extraordinaire, et par ailleurs, il en sort de fabuleux pinards. Nous y sommes montés un soir avec une bouteille de Riesling d’Eric Litchlé, un vigneron de Gueberschwihr, un village plutôt éloigné du Bollenberg, mais quand le terroir est passionnant, on ferait pour lui de nombreux kilomètres en tracteur. 
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 N'appelez pas la SPA, c'est bien nous qui l'avons bue. Vous pouvez par contre nous en offrir, c'était la dernière.
Nous nous sommes installés au-dessus de la parcelle en question et avons lentement bu la bouteille. Le vin était pur, cristallin, avec une puissance solaire sur la trame acide du calcaire, et une finale de pierres chaudes. La nuit était belle, tiède et étoilée. Nous y avons passé la nuit. Aucune sorcière ne s’est montrée. Ce soir-là, c’était nous qui célébrions le sabbat au sommet du Bollenberg.

Nicolas
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Millésime bio côté off #2

13/2/2016

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Second billet consacré aux salons de Montpellier fin janvier, après celui de Maya ici-même.
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​A côté de Rimini, même Palavas a l’air sexy, chantaient les Wampas. Y avaient-il été un lundi matin pluvieux de janvier, en étant sorti la veille au soir ? On ne le saura jamais. Nous, en tout cas, c’est ce que nous avons fait. Nous ne l’avons pas regretté.
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photo wikimedia (licence CC)
Nous arrivons au phare de Palavas de bonne heure, en même temps que les exposants les plus à la traîne. Le salon Biotop, un autre off de Millésime Bio, se tient au dernier étage dans une salle circulaire, avec vue panoramique sur la ville, les étangs et la Méditerranée. Un bel endroit, où l’on se sent immédiatement bien.

Une cinquantaine de vignerons sont présents sur ce salon. Nous commençons par déguster chez les deux alsaciens, avec qui Maya travaillait occasionnellement.
Chez Brigitte et Vincent Fleith tout d’abord, avec leurs vins fluides et précis, cultivés tout près de Kayserberg où nous vivions l’année dernière. Sur des terroirs alluvionnaires, les Fleith sortent des vins d’une minéralité cristalline, quasi saline, qu’on pourrait à tort attribuer à un sous-sol granitique, fruit d’un travail pointu et maitrisé dans les vignes.
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Ensuite chez Jean-Pierre et Chantal Frick, dont le travail a toujours une dimension pédagogique : certaines cuvées sont mises en bouteilles en deux versions, l’une non-filtrée et sans soufre, l’autre filtrée grossièrement avec un gramme. Ce n’est pas la première fois que nous faisons l’exercice, mais il est toujours passionnant. Les dégustations à l’aveugle de ces vins permettent de mieux comprendre l’apport du soufre dans la dégustation : les vins soufrés sont plus droits, avec une finale plus dure, alors que les vins non sulfités sont dans une attaque plus large et plus charmeuse, avec une finale parfois fondue, parfois fuyante. Ce travail, poursuivi depuis des années et des années, est une grande richesse pour les Frick qui connaissent maintenant avec précision quels vins de leur gamme « demandent » un sulfitage. Il est aussi  intéressant pour l’ensemble des professionnels qui s’intéressent à la question du soufre et de son impact sur l’aromatique comme sur la bouche.
Au-delà de ces vins, nous dégustons leurs excellents sylvaners, des pinots noirs magnifiques, et enfin un pinot gris macéré issu d’un grand terroir, à la robe rose, avec un grain tannique délicat et rafraichissant, et une longueur hors du commun. Un nectar atypique, qui fera immanquablement parler, et qui réjouira les amateurs. Le vin était tiré du fût. S’il était à la vente, j’en aurais acheté immédiatement une caisse.
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Je retrouve au coin d’une table une vieille connaissance, Pablo Höcht, que j’avais rencontré un soir d’Oenopiades, voici déjà 8 ans. En vidant quelques verres, nous avions parlé d’installation en viticulture. Pour moi c’était déjà un rêve. Pour Pablo, c’était les premiers pas : il venait de trouver quelques ares près de chez lui, en Côtes-du-rhône méridionales, sur le Plan-de-Dieu si je me souviens bien. Le croiser aujourd’hui du côté des exposants permet de connaître la suite. Il s’est installé petit à petit, sur le temps libre laissé par son emploi salarié, avec un premier vrai millésime en 2010. Aujourd’hui le voilà travaillant 4,5 hectares, avec des parcelles sur Séguret et sur Sablet. Il a donné à son domaine le joli nom de Crève Coeur (site). Des vins chauds, grenus, avec des notes de garrigue et de cacao, qui racontent sans faux-semblant le lieu qui les a vus grandir et mûrir. On s’échange quelques conseils sur la façon de lancer une activité, et aussi des vœux de bonne chance et de réussite. Pablo y croit dur comme fer, nous aussi, l’échange se termine en nous laissant une pêche d’enfer.
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Evidemment, nous passons une bonne partie de la journée avec notre amie Emmanuelle, du domaine Milan, qui présente aussi ses vins. En dégustant leurs vins au milieu des autres, je prends conscience de la finesse qui s’en dégage. Les grenaches prennent des allures de pinot noir, les tanins sont tout en dentelle. « La signature des expositions Nord, typique de notre domaine », commente Emmanuelle. « C’est important dans nos régions de pouvoir avoir de la fraîcheur dans la maturité ». Emmanuelle nous présente à tout le monde, confrères vignerons ou visiteurs professionnels, avec enjouement et générosité.
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​J’aimerais parler de tous les vins qu’on a dégustés, de toutes les discussions qu’on a eues, mais vous y passeriez la journée. Je suis cependant obligé de mentionner les chablis d’Athénaïs de Béru, exprimant chacun de façon cristalline leur terroir particulier ; les chenins sur schistes du domaine de Juchepie, avec des liquoreux tantôt issus du botrytis, tantôt issus du passerillage, avec un profil tout à fait différent ; les bourgognes classieux d’Emmanuel Giboulot, bâtis sur une acidité traçante, qui méritent des conditions plus favorables que ce marathon de la dégustation ; et enfin, les vins des Closeries des Moussis.

​Les Closeries des Moussis est un petit domaine de Margaux, où Pascale Choime et Laurence Alias conduisent depuis 2009 un travail artisanal dans des parcelles travaillées au cheval, et vinifient dans un chai minuscule. Leur Baragane, issu d’une parcelle pré-phylloxérique, est franchement éblouissant. La discussion sur l’installation est forcément trop courte, mais Pascale nous invite à leur rendre visite un jour, dans le Médoc. Leur travail est franchement inspirant, nous honorerons certainement l’offre.
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La journée est en train de filer à grande vitesse. Pourtant nous devons partir, ce que nous faisons avec un petit regret tant l’on a apprécié ce salon, où les vignerons nous ont paru vraiment disponibles.

​Direction un autre salon, De chemins en piste, tout près de l’aéroport, au rez-de-chaussée d’un hôtel. C’est un salon beaucoup plus intime, plus feutré, avec moins de monde mais une proximité évidente entre les vignerons et les visiteurs.
 
Notre ami Arnaud Geschickt est là, pour présenter les vins du domaine familial, situé à Ammerschwihr. Le pétillant naturel de muscat enclenche la discussion, puis nous dégustons un crémant blanc encore sur lattes, très réussi. Personnellement, j’apprécie particulièrement leur « 6 pieds sur terre », un vin issu d’un assemblage au pressoir des trois pinots alsaciens, de riesling, de muscat et de gewurzt, à parts égales. L’équilibre est parfait, l’aromatique subtile, l’élevage sur lies prolongé a donné beaucoup de matière. Un vin racé, personnel, aussi élégant que réjouissant.
 
 
Encore quelques échanges, quelques dégustations, notamment avec Vincent Bonnal du domaine de Pélissols (auquel La Pinardothek a consacré un très bon article ici), et la journée s’achève.
​Il est temps, car la bouche fatigue, et nous arrivons de moins en moins à sentir les singularités. 
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Le soir, nous filons au salon « le vin de mes amis », au domaine de Verchant. Nous y retrouvons Fabien Jouves, notre copain vigneron de Cahors, chez qui nous avons travaillé cette année, et qui nous a invités à venir à cette soirée.
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Le champagne Jacquesson et le crémant de Limoux du domaine des Hautes Terres coulent à flots dès l’apéro. Le reste de la soirée se passe à table. Franck Putelat, le chef étoilé de Carcassonne, est en cuisine. Il a concocté des plats fins et originaux, comme une tranche de foie gras poêlé servie en entrée sur un lit de bouillabaisse. Les vignerons présents versent leurs vins à l’entour aux cavistes, importateurs et confrères qui tendent leurs verres. La cuisine est soignée et fine, le service discret et efficace. Tout le monde passe un excellent moment. On se relâche, on crée du lien, le plaisir et l’échange prennent le pas sur le travail.

​La salle se transforme ensuite en dancefloor, on finit la nuit en éclusant du sydre d’Eric Bordelet pour les plus sages, de grandes goulées d’Armagnac pour les autres. C’est la fin des salons et des offs pour nous. Nous rentrons à pied, au bout de la nuit, trouver un repos bien mérité. 

Nicolas
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À Dambach, chez Florian et Mathilde

3/2/2016

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Au début du mois de janvier, nous avons profité de notre court séjour en Alsace pour rendre visite à Florian et Mathilde Beck-Hartweg, à Dambach-la-Ville. Nous les avions côtoyés lorsque nous étions en Alsace, et goûté à l'occasion leur excellent Pinot noir. Depuis, nous suivons assidûment le Facebook de Florian, qui poste régulièrement un compte-rendu de son travail et de ses innovations.
Ce couple de vignerons poursuit le travail des parents de Florian, notamment la tenue de vignes en agriculture biologique, avec un soin soutenu et ininterrompu pour leurs sols viticoles.
Dans ce sens, le travail de Florian et Mathilde s'inscrit dans le concept d'agriculture de conservation, soit "l'ensemble de techniques culturales destinées à maintenir et améliorer le potentiel agronomique des sols, tout en conservant une production régulière et performante sur les plans technique et économique", d'après mon ami Wikipedia, qui ajoute : "ce système s'inspire des systèmes forestiers : les racines maintiennent les sols en place, le taux de matières organiques est très élevé et le sol n'est jamais découvert".

Ce genre de système de culture a beaucoup de sens dans un contexte de réchauffement climatique. Lors d'une journée d'été ensoleillée, comme il s'en produit souvent, la température à la surface d'un sol nu peut dépasser 40°, entraînant des dégâts sévères sur la vie biologique du sol. Sur un sol couvert, la température reste modérée, parfois plus basse que la température de l'air *.
​De plus, les sols contenant beaucoup d'humus peuvent stocker l'eau bien davantage que la normale : c'est capital en cas de fortes pluies (moins d'érosion) ou de sécheresse prolongée (le sol s'assèche moins vite). Enfin, du point de vue de la nutrition minérale de la vigne, l'humus est généralement plus performant que des systèmes dépendant des intrants.  
Nous sommes donc allés voir dans les vignes de Florian et Mathilde comment cela se passait concrètement. 
Un des problèmes à résoudre, en viticulture, c'est l'entretien du couvert végétal -- de l'herbe, quoi -- qui peut représenter une concurrence du point de vue de l'eau et des minéraux. 
Les stratégies d'entretien varient selon les viticulteurs et le contexte : désherbage chimique, enherbement total avec tonte, travail du sol sur tous les rangs, alternance un rang fauché/un rang travaillé, etc.
Florian, lui, a mis un place un système où les rangs sont enherbés mais pas fauchés. Pour éviter la repousse (le regain, comme disent les éleveurs qui fauchent également, mais pour maximiser la production d'herbe), le couvert est roulé. Les tiges, pincées, ne permettent plus la croissance de la plante couchée qui reste en place et crée, au bout d'un moment, un paillage. 
Le couvert est souvent constitué de végétaux indigènes, "pour la biodiversité, et aussi parce qu'ils sont adaptés au conditions locales". Lorsqu'il y a semis, c'est avant la plantation de la parcelle, avec un mélange de légumineuses, de graminées et autres. 
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Pendant l'après-midi, nous parlons de tracteurs, d'outils combinés et de diverses techniques destinées à minimiser le nombre de passage, et donc le tassement des sols :  des informations qui nous intéressent vivement, mais dont je vous fais grâce ;)

Le résultat de ces techniques ? Le plus visible, à l’œil nu, c'est la véritable création d'un sol. Sur les parcelles dans le Frankstein (un grand cru sur granite), une épaisse couche de terre noire, à l'odeur de sol de forêt, recouvre les cailloux de granite. On ne voit pas la roche. Florian explique qu'il a littéralement créé du sol. Un piégeage de carbone atmosphérique qui se calcule en tonnes, ajoute-il. La vigne n'est pas vigoureuse, mais pas faible pour autant. 
La tournée des parcelles se poursuit sur une autre colline, où sera réalisée une plantation. Pour l'instant, c'est un engrais vert qui recouvre le sol. Leur chat des vignes, Tigerle, monte aux poteaux, sans doute pour admirer la magnifique vue sur Dambach... ou bien pour qu'on l'admire lui, sa tête de chat fier et son royaume de plusieurs hectares peuplés de mulots et de lézards. Florian et Mathilde nous montrent un muret de pierres sèches qu'ils ont construit pour stabiliser une de leur parcelles, à partir de pierres récupérées dans la forêt voisine. 
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La visite se termine en cave, par une dégustation des 2015. Certains fermentent encore doucement dans leurs foudres en bois, en levures indigènes. Certaines cuvées sont sans soufre (et le resteront), les autres, notamment les vins demi-secs, sont préservées de la refermentation par un sulfitage minimal et adapté.
Les matières sont impressionnantes, le style affirmé. Les vins secs, sans doute en raison des fermentations de plusieurs mois qui créent comme un batonnage permanent des lies fines, ont une attaque en bouche tout en gras, et se prolongent longtemps grâce à une acidité grenue et poudrée, signature des terroirs de granite.
Un vin comme "Tout naturellement" présente tellement de sapidité en bouche qu'on trouve facilement le fameux goût d'umami, la 5ème saveur décrite par les japonais à côté de l'acide, de l'amer, du salé et du sucré. Evidemment, il fait un tabac au Japon.
D'autres vins sont plus classiques, mais non moins savoureux. Leurs pinots noirs, notamment, sont des vins qui me plaisent énormément grâce à leurs nombreux niveaux d'appréciation : un charme immédiat à la première gorgée, de la profondeur sur les suivantes, un renouvellement du plaisir de la table ensuite, et j'en passe.

​J'arrête là le billet : c'était une visite extrêmement intéressante, avec beaucoup d'idées qui viendront nourrir le système de culture que nous allons mettre en place, petit à petit, dans nos futures vignes. Nous gardons évidemment en tête que nous avons vu un système à l'équilibre, fruit d'une dizaine d'années de travail par Mathilde, Florian et ses parents.
Pour en arriver même stade, sur nos propres parcelles, avec un schéma qui marche pour nous, il faudra réfléchir, observer, essayer, se planter, essayer à nouveau. Et continuer à échanger avec les collègues, en Alsace ou dans la région, vignerons ou cultivateurs. 

Nicolas

* : à propos des températures du sol en fonction du couvert, Florian a fait les mesures suivantes un jour à 34°C, à une profondeur de 5 cm :
- sol 
nu (labouré ou désherbé) : 41 °C
- herbe fauchée à ras : 35 °C
- herbe non fauchée : 28 °C
- herbe roulée : 23 °C 

Toutes les photos sont de Nicolas et Maya, sauf la photo de "Tout naturellement", issue du site web de Florian et Mathilde Beck-Hartweg, et celle du chat, prise par Mathilde.
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Millésime Bio côté off #1

29/1/2016

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Ouf! C'est fini. Après avoir parcouru la France de long en large en décembre et janvier, nous nous posons enfin... avant notre déménagement, la semaine prochaine!

Le projet prend forme pendant que vous vous demandez tous ce qu'il nous arrive, puisque les billets se font rares. Pendant nos vadrouilles, nous avons recueilli une foule d'informations que nous laissons doucement décanter. Nous avons entre nous de longues discussions passionnées, nous nous interrogeons sur tout et nous bombardons de questions tous les vignerons, anciens ou nouvellement installés, que nous rencontrons.
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Et des vignerons, nous en avons rencontré beaucoup ce week-end, à Montpellier. Nous avons profité du salon Millésime Bio pour revoir nos amis et goûter plein de vins. Ce salon, qui se tient à Montpellier tous les ans, a connu un succès fulgurant ces dernières années : créé en 1993, il compte aujourd'hui pas moins de 800 exposants ! Dans le sillage de l'évènement, des salons "offs" fleurissent un peu partout (voir cet article).
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Ces offs, nous les avons pratiquement tous visités, à tel point que nous ne sommes même pas allés au salon officiel. Je n'en suis pas vraiment fière, car ces offs n'existeraient pas sans tout le travail et les efforts de Millésime Bio. Mais notre calendrier était ainsi fait, nous ne restions pas longtemps, alors nous avons privilégié nos amis, qui nous avaient chaleureusement invités à venir les voir sur leurs stands. 
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Le premier jour, nous avons commencé notre tour par "les Affranchis", un salon affiché "vin nature". Ce sont des vins qui font débat au sein de la communauté des buveurs et des professionnels, et qui pourraient faire l'objet d'un billet entier. Pour faire simple, ils ne contiennent que du raisin - car oui, le vin peut comporter autre chose que du raisin - et des doses de sulfites nulles ou extrêmement faibles. Ce que l'on reproche aux vignerons, c'est justement de choisir de se passer de ce conservateur, ce qui génère parfois des vins à défauts.
Pas de ça pour moi : je n'ai rien goûté qui ait heurté mon palais d'oenologue. Peut-être certains auraient-ils tiqué sur certaines acidités volatiles élevées, ou quelques réductions passagères, mais les vins en question avaient une telle profondeur et une telle personnalité, qu'ils les supportaient avec un charme désarmant. Je n'ai évidemment pas tout goûté...
Côté salon, une chouette ambiance, beaucoup de monde sous la tente blanche, des vignerons qui restaient disponibles, accueillants et prenaient le temps d'expliquer leurs vins et leurs idées. Un foodtruck à l'entrée, un peu hipster et servant des pois gourmands en janvier, mais qui nous a bien dépannés à l'heure de partager un repas avec Christian Binner, Hubert et Heidi Hausser ainsi que Patrick Rols. 

J'ai eu un gros coup de coeur pour Tenuta Grillo avec Guido Zampaglione qui nous présentait des vins de 2006, 2005 et 2004 d'une grande finesse. Nous avons aussi fait une jolie pause du côté de l'Autriche, avec les blancs macérés d'Ewald Tscheppe et sa bouteille en terre cuite. Puis nous avons longuement discuté biodynamie avec Stefano Amerighi qui revient aux bases de cette philosophie avec des vaches, des fruitiers, des légumes en plus des vignes.
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Nous avons ensuite eu le plaisir de faire un tour au "Vin de mes Amis", salon au succès évident. Ambiance un peu plus chic, dans cet évènement créé en 2004 par Charlotte Sénat, vigneronne. Le lieu y est pour quelque chose : le domaine de Vérchant, hotel 5 étoiles, charme immédiatement les visiteurs. Nous sommes un peu fatigués, la foule est dense et les vignerons très nombreux.
Je suis contente de revoir Mathias Marquet (Château Lestignac), de redécouvrir ses vins qui gagnent en finesse chaque année et d'admirer ses superbes étiquettes.  Je craque ensuite pour les délicieux jurançons du domaine Camin Larredya : les secs sont précis, l'équilibre des moelleux parfait. Jean-Marc Grussaute est, de plus, un vigneron passionnant avec qui j'ai pu parler de levains indigènes. Vous savez déjà que c'est ma grande passion...
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A la fin, notre langue et notre palais fatiguent. J'ai perdu l'habitude de ces journées dégustation-marathon. Quand les vins ne nous parlent plus, il est temps d'arrêter. Nous dinons en ville avant d'aller à la soirée des "Vignerons de l'Irréel" qui annonçait sur les réseaux sociaux concerts et fiesta jusqu'au petit matin. Il est à peine minuit, il y a des bouteilles ouvertes partout dans la salle, des gens qui dansent et de la Cantillon à la pression en libre service. La journée a été longue...

​A suivre.
​ - Maya - 
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VdV #80 : le vin aux poils

27/11/2015

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Le sujet des Vendredis du Vin de ce mois de novembre a été proposé par David Farge, le taulier d'Abistodenas : après le thème de la peau, on s'élève de quelques millimètres pour raconter une histoire de "vin de tout poil".
Allez, sautons à pieds joints dans le calembour vaseux : ce thème est pile-poil dans notre actualité personnelle.
Je le sais en tant que lecteur : ce qui est intéressant dans un blog, c'est d'entrevoir l'intimité de l'auteur au travers de ce qu'il raconte. C'est un exercice délicat : trop, on tombe dans un certain malaise, pas assez et cela devient pénible et froid. Aujourd'hui, je ne sais pas si l'on va réussir à rester debout sur ce fil tendu, mais notre thème à nous, ce sera : "le vin pour la boule de poils".

Depuis une dizaine de jours, nous avons accueilli chez nous une petite chienne de 3 mois, Stella. Une croisée que nous espérons rustique et prête à aller crapahuter dans les forêts et dans les rangs de vignes.
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Noire et agitée comme une nuit d'orage, elle est en train de nous en faire voir de toutes les couleurs. Alors on essaie de lui donner les bases de la vie en société. Histoire qu'elle sache bien se comporter avec les enfants et avec les bacs de plantes aromatiques...

Pour fêter son arrivée, nous avons ouvert une quille que nous avions envie de boire depuis longtemps. Le Clos, du domaine Milan, dans sa version 2005, qui arbore une étiquette... parfaitement dans le thème.
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A l'ouverture, nous avons été bluffés par la jeunesse du vin. Comment, un 2005 ? Nous avons découvert un vin dans la fleur de l'âge, avec de la force et du maintien. Derrière un grand éclat de fruits (cassis, griotte confite), on peut percevoir des nuances  plus sages et plus nobles : le cèdre, le cacao, le piment séché. La bouche, surtout, surprend par son déroulement, entre une attaque charnelle et une finale assez ferme. Aimable et impétueux, doux et turbulent. Un grain de folie derrière une gueule d'ange. A la mesure de l'être à qui nous avons trinqué. Un vin avec du chien. Un vin au poil !
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Fin septembre dans les vignes

9/10/2015

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Tous les ans, en septembre, c'est la même chose : je disparais. Ma famille et mes amis ne m'en tiennent pas rigueur, ils savent que je ne répondrais quasiment plus aux textos, que m'appeler ne sert à rien : c'est l'éclipse annuelle. Les vendanges. Quand le raisin est mûr, tout s'arrête, et ça dure quelques semaines.

Cette année, c'est plutôt simple. Pour une fois, depuis longtemps, je n'ai pas la responsabilité d'un chai et d'une équipe. Ce n'est pas pour autant que je me la coule douce. Maya et moi travaillons comme vendangeurs au Mas del Périé, le domaine de Fabien Jouves, sur les hauteurs de Cahors, dont j'aime les vins. Ce sont des Cahors sur la finesse, sans rusticité, qui recherchent l'expression d'un terroir. Beaucoup de vins de Cahors doivent être conservés plusieurs années avant d'être ouverts, mais ce n'est pas le cas des vins de Fabien Jouves, immédiats, savoureux et hautement buvables rapidement après la mise en bouteille.
Nous faisons donc partie de l'équipe d'une vingtaine de personnes chargée de récolter et de trier les raisins des parcelles du domaine. Le soir, la journée de coupe terminée, nous participons aux travaux de cave : quelques remontages et soutirages, et beaucoup de nettoyage.
C'est l'occasion de se maintenir actifs, de ne pas rater un millésime, et de continuer à apprendre. De goûter beaucoup de bons vins aussi : que ce soit les vins du domaine le midi, et ceux d'autres vignerons le soir, autour d'un verre après le boulot, je crois que je n'aurai jamais dégusté d'aussi bonnes choses que pendant ces vendanges. Ce sont pourtant mes onzièmes !

Déguster les vins des autres, notamment ceux d'Emmanuel Reynaud dans le Vaucluse ou de Bernard Plageoles à Gaillac, goûtés cette saison, c'est aussi se demander comment font certains pour avoir un style si fort et si reconnaissable. Bien sûr, il y a le terroir ; mais certains vignerons signent leur propre interprétation du terroir d'une façon unique. Comme en littérature : on ouvrant un roman, on peut souvent deviner de quel courant littéraire il s'agit ; on peut aussi, de façon plus rare, savoir qui est l'auteur au bout de quelques lignes. Je n'aime pas tous les vins de Plageoles, ni tous les livres de Houellebecq, mais cette façon toujours identifiable d'exercer son art est un tour de force admirable.
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A présent, tous les raisins sont récoltés. C'était beau, mûr et sain. J'aurais bien aimé participer à la suite, suivre les macérations et les décuvages, mettre les vins en élevage, surveiller les fins de fermentations, mais mon boulot est terminé. Je boirai les vins des raisins que j'ai coupé ; c'est déjà bien pour 2015.

​Nicolas
​
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VDV #78 : les peaux veloutées d'un Riesling bien né.

25/9/2015

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Lorsque j'ai appris que Sandrine, de la Pinardothek, et David, d'Abistodenas, avaient choisi "Peau(x)" pour thème du Vendredi du Vin de septembre, je me suis dit que c'était un thème idéal pour une première participation.

Le thème était large, poétique, plein de possibilités charnelles ou factuelles, et donnait l'injonction suivante :
Parlez-moi donc de ces peaux usées, burinées, des mains, des pieds, du hâle des vigneron(ne)s. De celles de ces baies épaisses ou diaphanes, qui contiendront -peut-être- l’essence du vin. De la peau en vinification?  Des ces vins que vous buvez à fleur-de-peau, de ceux qui vous tannent, de ceux qui vous donnent la peau velours. De ceux qui en sont presque une seconde. Parlez-moi de ces minutes-là, de ce que ça fait à votre peau, juste avant la chair.
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Parler de vin et de peau dans la même phrase, un mois de septembre, c'est un coup à me faire retomber dans mes fixettes. Deviner ce que la peau du raisin va pouvoir donner, la goûter, apprécier la finesse du grain ou bien ses rugosités. S'efforcer de la travailler en douceur sans l'irriter, à la caresser sans être grossier. Savoir s'arrêter, savoir insister. Voilà : c'est ce que fait un vinificateur à l'automne.

En rouge, c'est bien connu : le travail des peaux est long, cela prend plusieurs jours ou plusieurs semaines. Les peaux macèrent et flottent à la surface de la cuve. On peut utiliser des pompes pour arroser ce chapeau, ou une pige pour le faire couler. Une maturité insuffisante des peaux, ou bien un vinificateur trop brutal, c'est le drame : le vin se brusque, devient austère, amer. Quand tout va bien, quand de jolis raisins rencontrent un vigneron qui sait comment s'y prendre, c'est doux, soyeux ; c'est un beau vin rouge.

Ce qu'on connaît moins, c'est l'importance des peaux dans l'élaboration du vin blanc. Oh, c'est sûr, le jus et les peaux ne se voient pas longtemps, quelques heures tout au plus. Ils sont vite séparés par le pressurage. Mais ce qu'ils peuvent échanger pendant ce bref laps de temps est capital. Pas toujours, bien sûr. Là aussi, il faut du savoir faire. Cette rencontre des peaux et du jus peut pourtant marquer le vin pour toujours.

Tout cela est un peu abstrait, je le sens. Des belles histoires sur le vin, faites de charmante rencontre et de métaphore balourde, vous en avez déjà lu plus qu'il n'en faut. Alors entrons dans le vif du sujet, et partons pour l'Alsace où la question des équilibres et des textures est prise très au sérieux.
Les vins blancs alsaciens sont construits sur des équilibres complexes : sur le sucre et sur l'acidité, bien sûr, mais aussi sur une petite dose de tanins. Ces tanins, avec le gras du vin, forment la matière. C'est elle qui donne de la tenue aux vins doux ou demi-secs ; elle encore qui habille les vins secs et les rend plus aimables.
Cette matière vient essentiellement des peaux. Il faut savoir aller la chercher. D'abord à la vigne, par une agronomie de qualité, qui maîtrise la vigueur de la vigne et vous fait récolter des raisins mûrs et sains. Ensuite, pendant les heures cruciales entre la récolte et le début de la fermentation, ces 24 ou 36 heures qui définissent le goût du vin blanc pour toujours, essentiellement au cours du pressurage.
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oui oui, dans cette machine.
Alors c'est quoi, un pressurage réussi ? Certains vignerons disent que les baies ne doivent pas éclater, et que le jus doit couler à travers la peau, emmenant tanins fins et arômes. Ce n'est pas facile : il faut récolter à la main pour presser en grappes entières, être patient, bien connaître son matériel et ses raisins, et être prêt à laisser le pressoir tourner toute la nuit. Pour obtenir des résultats similaires, d'autres vignerons laissent macérer les raisins dans la cage du pressoir. D'autres encore laissent infuser des peaux dans le moût en fermentation. Bref : chacun a ses secrets pour obtenir ce qu'il veut de ses peaux.

Un vin blanc qui m'évoque immédiatement cette extraction précise et délicate des peaux, je ne l'ai pas cherché longtemps dans ma cave. J'ai ouvert un Riesling "réserve personnelle" de Jean-Paul Schmitt, millésime 2009.
Jean-Paul Schmitt exploite à Scherwiller, au pied du château de l'Ortenbourg, un domaine d'un seul tenant situé sur le terroir du Rittersberg, en agriculture biologique. Il prolonge ce travail par des vendanges manuelles et des pressurages longs. C'est un des vignerons d'Alsace dont j'aime le plus le travail, notamment pour ses Pinots gris secs et son Crémant extra-brut .

Ce Riesling de 2009 est à pleine maturité. D'une belle couleur or pâle, parfaitement limpide, il exhale un nez de fleurs sèches, camomille, tilleul. Le fruité est séveux, le citron se fait bergamote. Il y a une douce nuance végétale qui rappelle la sauge, et en fond, l'odeur des pierres chaudes.
La bouche est bâtie sur une trame acide, sans que le vin soit vif, car il y a pour équilibrer un gras et une matière impressionnante. J'aime ce grain tannique très fin, qui allonge la bouche et la raffermit, typique des peaux de Riesling bien mûres. Le vin est à la fois solaire et évanescent, joyeux et posé, complexe et sage, charnel et cérébral. On croit le saisir, mais c'est pour mieux être surpris la gorgée suivante. La dégustation est très longue, portée par son grain, par la salinité de sa finale et par son élégance altière.

Un vin qui demandera des égards lors du service : un accord trop cavalier ou trop osé, et vous le perdrez. Délicatesse et subtilité. Sur un poulet grillé épicé, ça ne marche pas, n'essayez pas. Le lendemain, nous le boirons à l'apéritif avec des pistaches iraniennes au citron, un accord simple mais réussi. Le vigneron aime l'associer avec des écrevisses, du sandre ou de la lotte au safran. Voilà effectivement des accords à la mesure de sa grâce.

Nicolas
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Despedida

27/7/2015

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Nous avons fait notre despedida. Keskecé? 
Comme le dit si bien Larousse.fr:
"despedida : sustantivo femenino
1. [adiós] la despedida, les adieux
2. [fiesta] soirée d'adieux"
Tout cela a l'air bien grave, mais c'était aussi, comme l'a souligné un vigneron au moment des invitations, la soirée célébrant la naissance d'un nouveau domaine. Alors voilà comment nous avons préféré vivre ce moment : pas de larmes et pas d'adieux, mais une grande fête pour le premier jour d'une nouvelle vie.

Merci à tous ceux qui sont venus, que ce soit du début à la fin ou juste pour boire un verre. Merci aussi à tous les autres, qui auraient dû être là, qui l'ont été pendant notre vie en Alsace, mais qui étaient appelés ailleurs. Merci à ceux qui, au milieu d'une dure semaine de travail qui ne s'interrompt jamais, ont tout de même fait la route pour venir nous voir une dernière fois. Merci à toute notre équipe de Touch rugby qui, fidèle à sa réputation, est restée jusqu'à la fin de cette drôle de 3ème mi-temps. Merci à Yannick et Julien, qui sont restés aider jusqu'au bout, et à Mathieu qui a participé à nos fous-rires nocturnes (ou matinaux, vu l'heure). Merci à tous ceux qui ont apporté des bouteilles pour qu'on découvre encore et qu'on ne s'ennuie pas. Merci à ceux qui n'ont pas pu venir mais qui ont trouvé, plus tard, une place dans un emploi du temps bien chargé pour nous voir une dernière fois avant notre départ. Et bien sûr un énorme merci à notre famille alsacienne d'adoption, qui nous a prêté son chai, chez qui nous avons passé tant de moments, qui nous ont tant donné avec générosité, gentillesse et simplicité. 
- Maya -
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Cave ouverte au domaine Binner

22/6/2015

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Nous venons de passer un dimanche fabuleux. Tout près de chez nous, à Ammerschwihr, Christian Binner organisait une grande fête pour célébrer la fin des travaux de sa nouvelle cave.
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Quatre ans ont été nécessaire pour construire, petit à petit, ce bâtiment grandiose et à l'architecture engagée. 2000 tonnes de blocs de grès des Vosges ont été empilés sans béton, la charpente est faite de pins Douglas de la vallée.
Quant au toit végétalisé, il fait le bonheur de Blackie, la chienne du domaine.

Le sous-sol est occupé par les vieux foudres, qui ont l'air de se plaire dans leur nouvelle demeure. Au niveau principal, les pressoirs ont fait place, ce week-end, à des tables et à une grande buvette pour accueillir les visiteurs venus en nombre, parfois en voisins, parfois de très loin.
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Christian Binner a invité pour l'occasion plusieurs de ses amis vignerons. Dans tous les coins, on entend sauter des bouchons. Nous nous délectons des vins d'Auvergne de Vincent Marie, directs, mûrs et rafraichissants. Nous aimons aussi les Pouilly-Fumés d'Alexandre Bain, notamment "Mademoiselle M", élégant et fin, dans une vraie expression de terroir épurée des notes variétales du Sauvignon.
On goûte aussi des vins complétement délirants, comme un Gewurztraminer en méthode traditionnelle de Bruno Schueller.
Dans la salle des foudres, une table de vieux millésimes du domaine Binner prouve la longévité des vins issus de vignes soignées, et vinifiés sans artifices.

Nous faisons une escapade dans le village d'Ammerschwihr, où se tient en parallèle un salon "off" des vins libérés, dans la cour du domaine Geschickt.
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Une quinzaine de vignerons d'Alsace sont là, tous d'une sensibilité bio et nature, et en majorité issue de la jeune génération.
Pour ma part, je prends du plaisir avec les vins d'Hubert et Heidi Haussher, notamment "Aussitôt bue" la bien nommée, et la "Colline céleste", une complantation.
Beaucoup d'intérêt aussi pour les vins du domaine Kumpf-Meyer, où un Pinot blanc frais et léger côtoie un Sylvaner "Restons nature", issu d'une vinification sans soufre et élevé longtemps en vieilles barriques, d'un profil strict et élégant, et qu'on imagine parfaitement à table.

Je goûte enfin les vins de Catherine Riss, ayant tous en commun un style affirmé (c'est pourtant uniquement son 3ème millésime), ainsi que les kvevri de Stéphane Bannwarth, tout à fait atypiques.
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De retour chez Christian Binner, la soirée bat déjà son plein même si la cave, capricieuse, refuse de briser la bouteille qu'on lui lance pour son baptême. Les vins coulent à flots, nous éclusons les délicieux Pinot noir en magnum de Christian, et ses Côtes d'Ammerschwihr, toujours aussi fluides et aussi bonnes.
Nous rentrons chez nous au milieu de la nuit, des étoiles plein les yeux.
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De l'eau dans mon vin

3/5/2015

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Aujourd'hui, je publie un texte qui n'est pas de moi.
Il est de Raphaël Gimenez Fauvety, qui l'imprime sur les sacs en papiers de la cave qu'il tient à Paris, les Caprices de l'Instant (on peut également trouver un chouette article sur ce caviste ici).

J'aime beaucoup aller, de temps en temps, aller acheter une quille là-bas. Depuis le temps, je crois connaître un peu le vin, les régions, les producteurs. Pourtant, j'en sors en ayant fait une découverte : une appellation, un producteur, voire plus important... Ainsi à ma dernière visite, quand le caviste m'a fait comprendre la notion d'accord mets-vins sous un jour que je n'avais jamais envisagé. Je lui demandé un vin pour aller avec des côtes d'agneau grillées. Il m'a dit :
- " L'agneau, très bien. Mais quel sera l'accompagnement ? C'est le plus important. "
Des pommes de terres aux herbes de Provence, avec de l'ail et un peu d'huile d'olive : il faudra aller dans les Côtes du Rhône méridionales, dans le Sud en tout cas. Des haricots verts ? Alors un Bordeaux, un Médoc, pour jouer sur le végétal des cépages bordelais. Enfin, un accompagnement rustique, comme des haricots blancs, des pommes de terre sarladaises, réclameront un vin plus corsé, quelque chose du Sud-Ouest par exemple. Petite révélation.
Nous avons donc d'abord décidé de l'accompagnement, et sommes sortis de la cave avec un vieux Madiran, de presque 20 ans, de la cave de Plaimont. Il aurait fallu en acheter plusieurs bouteilles tellement c'était bon, et tant la bouteille s'est finie vite. Évidemment, l'accord était parfait. On a trinqué à la santé du caviste.

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De l’eau dans mon vin

Chambolle-Musigny vient du latin Campus Ebulliens, car sous les vignes, il y a des eaux capables d’agitation, celles du Grosnes. L’Aquitaine, son nom l’indique, est le pays de l’eau et le Médoc, du latin Medio Acquae, est « au milieu de l’eau ».
Large zone inondable, culminant à seulement 43 mètres, nos Pays-Bas en somme, ce sont donc des spécialistes hollandais qui sont venus au XVII siècle, combler, assécher, bâtir des digues. Dans la vallée de la Sonoma viticole, il tombe 100 millimètres d’eau en moyenne par an. À Mendoza, Argentine Orientale, 300, le reste des besoins c’est du goutte à goutte, le même repas tous les jours durant toute une vie. En Bourgogne, le tarif c’est 700, presque 1000 en Aquitaine. Dans une bouteille de vin, il y a, suivant les régions et les millésimes, entre 82 et 90% d’eau, le reste, c’est de l’alcool et un peu de chimie. Une infime partie du liquide donc, un ou deux pour cent, suffirait à faire toute la différence ? Oui et non. Cette eau peut tour à tour manquer, 2005, assécher, 1989, activer, 1996, détruire, 1994. Le soleil, suivant son action durant le cycle de la vigne, peut être magnifiant, exaltant, 2009, ou bien rabougrir le raisin à force de le cuire, 1995. En général, il est présent puis absent, brûlant puis timide, la France en somme.
Les grands terroirs sur lesquels de la vigne a été plantée, sont drainants (Hermitage), capable de recevoir une quantité d’eau qui inonderait la plaine (Crozes-Hermitage). Dans l’histoire des cultures, cette plaine est la priorité, manger avant de boire. Betterave, blé ou colza passent bien avant la vigne, qui sera servie la dernière, plantée là où elle seule pousse. Heureusement, vitis vinifera, la vigne du vin, a la dent dure. Les coteaux laissent glisser l’eau vers le ruisseau ou le fleuve situé en contrebas. Granit ou schiste de la Côte Rôtie, calcaire de la Côte des Blancs, tuffeau des coteaux du Saumurois. Si l’argile, qui retient davantage l’eau, est présente avec le calcaire, comme en Côte d’Or par exemple, alors les plus grands terroirs sont ceux où la pente est la plus forte, ou le sol plus filtrant, Clos Saint-Denis, Chevalier-Montrachet, Cras de Chambolle, Musigny, Corton-Charlemagne ou Laveau-Saint-Jacques.
L’eau régule, on dit aussi que les plus grands Médocs voient la rivière, et en effet, parmi ceux qui la voient, il y a Palmer, Latour, Ducru-Beaucaillou, Margaux ou Pichon-Comtesse. Rivière, rus minuscules, cours d’eau apparents ou souterrains, grands fleuves, l’eau est présente partout où on fait du bon vin. À tout seigneur, tout honneur, la Loire, le plus grand de nos fleuve, défile tour à tour devant Pouilly, Sancerre, Gien, Amboise et Bourgueil, Montlouis et Vouvray, Chinon, Saumur et j’en passe ! Son influence se fait sentir directement dans 73 appellations d’origine contrôlées, 20% du capital des terroirs viticoles de ce pays. Le Lot, la Durance, le Cher, l’Aude, qui serpente entre les vignobles des Corbières, de Limoux, de la Malepère, de Cabardès. Le Rhône, les Rhônes ai-je envie de dire, où se jettent la Saône, l’Isère, la Drôme, la Sorgue, fille de la fontaine du Vaucluse. Il y a la Gironde, nourrie de la Garonne et de la Dordogne, le Doubs, l’Ardèche, l’Hérault et le Gard. Que d’eau, me direz-vous, quel bonheur plutôt ! Les vins de France doivent tant à cette profusion d’eau vive. Ajoutons les innombrables affluents, confluents, torrents descendus des montagnes, tous ont leur influence. Le petit Serein, l’air de rien, coule en plein Chablis, à Vougeot c’est la Vouge minuscule, à Meursault, rus insignifiants mais influents, Lamponne, Rimbert, ruisseau de Meursault. Il y a la Dheune à Santenay, à Nuits-Saint-Georges le Meuzin, la Vendaine à Pommard, le Gave qui traverse Pau, au pied du vignoble de Jurançon, l’Adour qui croise en terre de Madiran. Tantôt apparent, tantôt souterrain, le réseau hydrologique du terroir de Pessac-Léognan est capital, les rivières drainent les vignobles ou les tiennent au frais. Breyra, Saucats, Eau Bourde, Eau Blanche, ont su amadouer le courroux du caniculaire millésime 2003 dans la patrie de Montesquieu. Entre Barsac et Sauternes, il y a le Cirons miraculeux, sans qui point de botrytis cinerea pour grandir la complexité des liquoreux à l’aube de l’automne. Les liquoreux d’Anjou boivent du Layon, de l’Aubance, du Thouet, tous finissent leur course dans la Loire. Fecht, Thur, Doller traversent le vignoble alsacien pour se jeter dans l’Ill, qui à son tour, se jette dans le Rhin. 
Des villes de vin s’appellent Villefranche-sur-Saône, Tournon-sur-Rhône, Pouilly-sur-Loire. Les rivières donnent leur nom à tant de départements, et en particulier à ceux où on fait du vin. Les montagnes, les collines et les monts ont aussi leur importance, contreforts du Massif Central, les Cévennes où on produit les meilleurs vins du Languedoc, l’Ardèche, terre du profond Cornas. Si les collines surplombent le Lot, alors on fait du Cahors, si elles dominent le Tarn, alors on fait du Gaillac. Il y a la Montagne de Reims, tout comme il y a aussi le Jura. De Jura à Jurassique il n’y a qu’un pas, l’eau est mère de la géologie des vignobles qu’elle a patiemment formée. De la mer originelle au soulèvement alpin, strate après strate, dépôts, alluvions et colluvions, de la Méditerranée à la Manche, à travers le sillon Rhodanien, en esquivant le Massif Central par l’est, le Jura par l’ouest, les montagnes des Ardennes par le sud, la mer a façonné le Mâconnais, le Sancerrois, la Côte Chalonnaise ou le Chablisien. De l’eau, encore de l’eau, j’en reprendrais bien une goutte.
Influence océanique cela veut dire pluie, et s’il en faut pour les nappes phréatiques, il en faut aussi pour le vin. Trop, c’est trop, comme en 1965, mais pas assez, ça ne fait pas du vin français. Avec cent jour de beau de rang, Monsieur Charmolüe, alors propriétaire de Château Montrose, a dit de son millésime 1990, que c’était certes un grand vin, mais certainement pas du Château Montrose.
Robert Parker a chanté les louanges du Château Cheval Blanc 1947, sans doute parce qu’il est lui-même de ce célèbre millésime, mais c’est la manière dont il a décrit ce vin, comme ressemblant à s’y méprendre à un Porto millésimé, qui oblige à dire que le propos d’un vin français, n’est pas de ressembler au plus grand des vins du Portugal, et qu’une onctueuse « sucrosité », n’est pas l’apanage premier d’un Saint-Emilion sur terroir de graves. Aucun des six millésimes qui ont précédé le classement des vins du Médoc de 1855 ordonné par Napoléon III, n’a laissé la moindre trace dans les annales des vins de Bordeaux, pourtant, il n’y a pas d’erreur. Cela veut dire que cette terre est capable, par tous temps, et donc aussi et surtout, par mauvais temps, de livrer des grands vins : un grand terroir, c’est ça.

Raphaël Gimenez Fauvety.  

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