LE SERPENTÀ PLUMES
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Millésime bio côté off #2

13/2/2016

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Second billet consacré aux salons de Montpellier fin janvier, après celui de Maya ici-même.
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​A côté de Rimini, même Palavas a l’air sexy, chantaient les Wampas. Y avaient-il été un lundi matin pluvieux de janvier, en étant sorti la veille au soir ? On ne le saura jamais. Nous, en tout cas, c’est ce que nous avons fait. Nous ne l’avons pas regretté.
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photo wikimedia (licence CC)
Nous arrivons au phare de Palavas de bonne heure, en même temps que les exposants les plus à la traîne. Le salon Biotop, un autre off de Millésime Bio, se tient au dernier étage dans une salle circulaire, avec vue panoramique sur la ville, les étangs et la Méditerranée. Un bel endroit, où l’on se sent immédiatement bien.

Une cinquantaine de vignerons sont présents sur ce salon. Nous commençons par déguster chez les deux alsaciens, avec qui Maya travaillait occasionnellement.
Chez Brigitte et Vincent Fleith tout d’abord, avec leurs vins fluides et précis, cultivés tout près de Kayserberg où nous vivions l’année dernière. Sur des terroirs alluvionnaires, les Fleith sortent des vins d’une minéralité cristalline, quasi saline, qu’on pourrait à tort attribuer à un sous-sol granitique, fruit d’un travail pointu et maitrisé dans les vignes.
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Ensuite chez Jean-Pierre et Chantal Frick, dont le travail a toujours une dimension pédagogique : certaines cuvées sont mises en bouteilles en deux versions, l’une non-filtrée et sans soufre, l’autre filtrée grossièrement avec un gramme. Ce n’est pas la première fois que nous faisons l’exercice, mais il est toujours passionnant. Les dégustations à l’aveugle de ces vins permettent de mieux comprendre l’apport du soufre dans la dégustation : les vins soufrés sont plus droits, avec une finale plus dure, alors que les vins non sulfités sont dans une attaque plus large et plus charmeuse, avec une finale parfois fondue, parfois fuyante. Ce travail, poursuivi depuis des années et des années, est une grande richesse pour les Frick qui connaissent maintenant avec précision quels vins de leur gamme « demandent » un sulfitage. Il est aussi  intéressant pour l’ensemble des professionnels qui s’intéressent à la question du soufre et de son impact sur l’aromatique comme sur la bouche.
Au-delà de ces vins, nous dégustons leurs excellents sylvaners, des pinots noirs magnifiques, et enfin un pinot gris macéré issu d’un grand terroir, à la robe rose, avec un grain tannique délicat et rafraichissant, et une longueur hors du commun. Un nectar atypique, qui fera immanquablement parler, et qui réjouira les amateurs. Le vin était tiré du fût. S’il était à la vente, j’en aurais acheté immédiatement une caisse.
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Je retrouve au coin d’une table une vieille connaissance, Pablo Höcht, que j’avais rencontré un soir d’Oenopiades, voici déjà 8 ans. En vidant quelques verres, nous avions parlé d’installation en viticulture. Pour moi c’était déjà un rêve. Pour Pablo, c’était les premiers pas : il venait de trouver quelques ares près de chez lui, en Côtes-du-rhône méridionales, sur le Plan-de-Dieu si je me souviens bien. Le croiser aujourd’hui du côté des exposants permet de connaître la suite. Il s’est installé petit à petit, sur le temps libre laissé par son emploi salarié, avec un premier vrai millésime en 2010. Aujourd’hui le voilà travaillant 4,5 hectares, avec des parcelles sur Séguret et sur Sablet. Il a donné à son domaine le joli nom de Crève Coeur (site). Des vins chauds, grenus, avec des notes de garrigue et de cacao, qui racontent sans faux-semblant le lieu qui les a vus grandir et mûrir. On s’échange quelques conseils sur la façon de lancer une activité, et aussi des vœux de bonne chance et de réussite. Pablo y croit dur comme fer, nous aussi, l’échange se termine en nous laissant une pêche d’enfer.
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Evidemment, nous passons une bonne partie de la journée avec notre amie Emmanuelle, du domaine Milan, qui présente aussi ses vins. En dégustant leurs vins au milieu des autres, je prends conscience de la finesse qui s’en dégage. Les grenaches prennent des allures de pinot noir, les tanins sont tout en dentelle. « La signature des expositions Nord, typique de notre domaine », commente Emmanuelle. « C’est important dans nos régions de pouvoir avoir de la fraîcheur dans la maturité ». Emmanuelle nous présente à tout le monde, confrères vignerons ou visiteurs professionnels, avec enjouement et générosité.
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​J’aimerais parler de tous les vins qu’on a dégustés, de toutes les discussions qu’on a eues, mais vous y passeriez la journée. Je suis cependant obligé de mentionner les chablis d’Athénaïs de Béru, exprimant chacun de façon cristalline leur terroir particulier ; les chenins sur schistes du domaine de Juchepie, avec des liquoreux tantôt issus du botrytis, tantôt issus du passerillage, avec un profil tout à fait différent ; les bourgognes classieux d’Emmanuel Giboulot, bâtis sur une acidité traçante, qui méritent des conditions plus favorables que ce marathon de la dégustation ; et enfin, les vins des Closeries des Moussis.

​Les Closeries des Moussis est un petit domaine de Margaux, où Pascale Choime et Laurence Alias conduisent depuis 2009 un travail artisanal dans des parcelles travaillées au cheval, et vinifient dans un chai minuscule. Leur Baragane, issu d’une parcelle pré-phylloxérique, est franchement éblouissant. La discussion sur l’installation est forcément trop courte, mais Pascale nous invite à leur rendre visite un jour, dans le Médoc. Leur travail est franchement inspirant, nous honorerons certainement l’offre.
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La journée est en train de filer à grande vitesse. Pourtant nous devons partir, ce que nous faisons avec un petit regret tant l’on a apprécié ce salon, où les vignerons nous ont paru vraiment disponibles.

​Direction un autre salon, De chemins en piste, tout près de l’aéroport, au rez-de-chaussée d’un hôtel. C’est un salon beaucoup plus intime, plus feutré, avec moins de monde mais une proximité évidente entre les vignerons et les visiteurs.
 
Notre ami Arnaud Geschickt est là, pour présenter les vins du domaine familial, situé à Ammerschwihr. Le pétillant naturel de muscat enclenche la discussion, puis nous dégustons un crémant blanc encore sur lattes, très réussi. Personnellement, j’apprécie particulièrement leur « 6 pieds sur terre », un vin issu d’un assemblage au pressoir des trois pinots alsaciens, de riesling, de muscat et de gewurzt, à parts égales. L’équilibre est parfait, l’aromatique subtile, l’élevage sur lies prolongé a donné beaucoup de matière. Un vin racé, personnel, aussi élégant que réjouissant.
 
 
Encore quelques échanges, quelques dégustations, notamment avec Vincent Bonnal du domaine de Pélissols (auquel La Pinardothek a consacré un très bon article ici), et la journée s’achève.
​Il est temps, car la bouche fatigue, et nous arrivons de moins en moins à sentir les singularités. 
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Le soir, nous filons au salon « le vin de mes amis », au domaine de Verchant. Nous y retrouvons Fabien Jouves, notre copain vigneron de Cahors, chez qui nous avons travaillé cette année, et qui nous a invités à venir à cette soirée.
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Le champagne Jacquesson et le crémant de Limoux du domaine des Hautes Terres coulent à flots dès l’apéro. Le reste de la soirée se passe à table. Franck Putelat, le chef étoilé de Carcassonne, est en cuisine. Il a concocté des plats fins et originaux, comme une tranche de foie gras poêlé servie en entrée sur un lit de bouillabaisse. Les vignerons présents versent leurs vins à l’entour aux cavistes, importateurs et confrères qui tendent leurs verres. La cuisine est soignée et fine, le service discret et efficace. Tout le monde passe un excellent moment. On se relâche, on crée du lien, le plaisir et l’échange prennent le pas sur le travail.

​La salle se transforme ensuite en dancefloor, on finit la nuit en éclusant du sydre d’Eric Bordelet pour les plus sages, de grandes goulées d’Armagnac pour les autres. C’est la fin des salons et des offs pour nous. Nous rentrons à pied, au bout de la nuit, trouver un repos bien mérité. 

Nicolas
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Millésime Bio côté off #1

29/1/2016

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Ouf! C'est fini. Après avoir parcouru la France de long en large en décembre et janvier, nous nous posons enfin... avant notre déménagement, la semaine prochaine!

Le projet prend forme pendant que vous vous demandez tous ce qu'il nous arrive, puisque les billets se font rares. Pendant nos vadrouilles, nous avons recueilli une foule d'informations que nous laissons doucement décanter. Nous avons entre nous de longues discussions passionnées, nous nous interrogeons sur tout et nous bombardons de questions tous les vignerons, anciens ou nouvellement installés, que nous rencontrons.
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Et des vignerons, nous en avons rencontré beaucoup ce week-end, à Montpellier. Nous avons profité du salon Millésime Bio pour revoir nos amis et goûter plein de vins. Ce salon, qui se tient à Montpellier tous les ans, a connu un succès fulgurant ces dernières années : créé en 1993, il compte aujourd'hui pas moins de 800 exposants ! Dans le sillage de l'évènement, des salons "offs" fleurissent un peu partout (voir cet article).
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Ces offs, nous les avons pratiquement tous visités, à tel point que nous ne sommes même pas allés au salon officiel. Je n'en suis pas vraiment fière, car ces offs n'existeraient pas sans tout le travail et les efforts de Millésime Bio. Mais notre calendrier était ainsi fait, nous ne restions pas longtemps, alors nous avons privilégié nos amis, qui nous avaient chaleureusement invités à venir les voir sur leurs stands. 
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Le premier jour, nous avons commencé notre tour par "les Affranchis", un salon affiché "vin nature". Ce sont des vins qui font débat au sein de la communauté des buveurs et des professionnels, et qui pourraient faire l'objet d'un billet entier. Pour faire simple, ils ne contiennent que du raisin - car oui, le vin peut comporter autre chose que du raisin - et des doses de sulfites nulles ou extrêmement faibles. Ce que l'on reproche aux vignerons, c'est justement de choisir de se passer de ce conservateur, ce qui génère parfois des vins à défauts.
Pas de ça pour moi : je n'ai rien goûté qui ait heurté mon palais d'oenologue. Peut-être certains auraient-ils tiqué sur certaines acidités volatiles élevées, ou quelques réductions passagères, mais les vins en question avaient une telle profondeur et une telle personnalité, qu'ils les supportaient avec un charme désarmant. Je n'ai évidemment pas tout goûté...
Côté salon, une chouette ambiance, beaucoup de monde sous la tente blanche, des vignerons qui restaient disponibles, accueillants et prenaient le temps d'expliquer leurs vins et leurs idées. Un foodtruck à l'entrée, un peu hipster et servant des pois gourmands en janvier, mais qui nous a bien dépannés à l'heure de partager un repas avec Christian Binner, Hubert et Heidi Hausser ainsi que Patrick Rols. 

J'ai eu un gros coup de coeur pour Tenuta Grillo avec Guido Zampaglione qui nous présentait des vins de 2006, 2005 et 2004 d'une grande finesse. Nous avons aussi fait une jolie pause du côté de l'Autriche, avec les blancs macérés d'Ewald Tscheppe et sa bouteille en terre cuite. Puis nous avons longuement discuté biodynamie avec Stefano Amerighi qui revient aux bases de cette philosophie avec des vaches, des fruitiers, des légumes en plus des vignes.
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Nous avons ensuite eu le plaisir de faire un tour au "Vin de mes Amis", salon au succès évident. Ambiance un peu plus chic, dans cet évènement créé en 2004 par Charlotte Sénat, vigneronne. Le lieu y est pour quelque chose : le domaine de Vérchant, hotel 5 étoiles, charme immédiatement les visiteurs. Nous sommes un peu fatigués, la foule est dense et les vignerons très nombreux.
Je suis contente de revoir Mathias Marquet (Château Lestignac), de redécouvrir ses vins qui gagnent en finesse chaque année et d'admirer ses superbes étiquettes.  Je craque ensuite pour les délicieux jurançons du domaine Camin Larredya : les secs sont précis, l'équilibre des moelleux parfait. Jean-Marc Grussaute est, de plus, un vigneron passionnant avec qui j'ai pu parler de levains indigènes. Vous savez déjà que c'est ma grande passion...
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A la fin, notre langue et notre palais fatiguent. J'ai perdu l'habitude de ces journées dégustation-marathon. Quand les vins ne nous parlent plus, il est temps d'arrêter. Nous dinons en ville avant d'aller à la soirée des "Vignerons de l'Irréel" qui annonçait sur les réseaux sociaux concerts et fiesta jusqu'au petit matin. Il est à peine minuit, il y a des bouteilles ouvertes partout dans la salle, des gens qui dansent et de la Cantillon à la pression en libre service. La journée a été longue...

​A suivre.
​ - Maya - 
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De l'eau dans mon vin

3/5/2015

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Aujourd'hui, je publie un texte qui n'est pas de moi.
Il est de Raphaël Gimenez Fauvety, qui l'imprime sur les sacs en papiers de la cave qu'il tient à Paris, les Caprices de l'Instant (on peut également trouver un chouette article sur ce caviste ici).

J'aime beaucoup aller, de temps en temps, aller acheter une quille là-bas. Depuis le temps, je crois connaître un peu le vin, les régions, les producteurs. Pourtant, j'en sors en ayant fait une découverte : une appellation, un producteur, voire plus important... Ainsi à ma dernière visite, quand le caviste m'a fait comprendre la notion d'accord mets-vins sous un jour que je n'avais jamais envisagé. Je lui demandé un vin pour aller avec des côtes d'agneau grillées. Il m'a dit :
- " L'agneau, très bien. Mais quel sera l'accompagnement ? C'est le plus important. "
Des pommes de terres aux herbes de Provence, avec de l'ail et un peu d'huile d'olive : il faudra aller dans les Côtes du Rhône méridionales, dans le Sud en tout cas. Des haricots verts ? Alors un Bordeaux, un Médoc, pour jouer sur le végétal des cépages bordelais. Enfin, un accompagnement rustique, comme des haricots blancs, des pommes de terre sarladaises, réclameront un vin plus corsé, quelque chose du Sud-Ouest par exemple. Petite révélation.
Nous avons donc d'abord décidé de l'accompagnement, et sommes sortis de la cave avec un vieux Madiran, de presque 20 ans, de la cave de Plaimont. Il aurait fallu en acheter plusieurs bouteilles tellement c'était bon, et tant la bouteille s'est finie vite. Évidemment, l'accord était parfait. On a trinqué à la santé du caviste.

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De l’eau dans mon vin

Chambolle-Musigny vient du latin Campus Ebulliens, car sous les vignes, il y a des eaux capables d’agitation, celles du Grosnes. L’Aquitaine, son nom l’indique, est le pays de l’eau et le Médoc, du latin Medio Acquae, est « au milieu de l’eau ».
Large zone inondable, culminant à seulement 43 mètres, nos Pays-Bas en somme, ce sont donc des spécialistes hollandais qui sont venus au XVII siècle, combler, assécher, bâtir des digues. Dans la vallée de la Sonoma viticole, il tombe 100 millimètres d’eau en moyenne par an. À Mendoza, Argentine Orientale, 300, le reste des besoins c’est du goutte à goutte, le même repas tous les jours durant toute une vie. En Bourgogne, le tarif c’est 700, presque 1000 en Aquitaine. Dans une bouteille de vin, il y a, suivant les régions et les millésimes, entre 82 et 90% d’eau, le reste, c’est de l’alcool et un peu de chimie. Une infime partie du liquide donc, un ou deux pour cent, suffirait à faire toute la différence ? Oui et non. Cette eau peut tour à tour manquer, 2005, assécher, 1989, activer, 1996, détruire, 1994. Le soleil, suivant son action durant le cycle de la vigne, peut être magnifiant, exaltant, 2009, ou bien rabougrir le raisin à force de le cuire, 1995. En général, il est présent puis absent, brûlant puis timide, la France en somme.
Les grands terroirs sur lesquels de la vigne a été plantée, sont drainants (Hermitage), capable de recevoir une quantité d’eau qui inonderait la plaine (Crozes-Hermitage). Dans l’histoire des cultures, cette plaine est la priorité, manger avant de boire. Betterave, blé ou colza passent bien avant la vigne, qui sera servie la dernière, plantée là où elle seule pousse. Heureusement, vitis vinifera, la vigne du vin, a la dent dure. Les coteaux laissent glisser l’eau vers le ruisseau ou le fleuve situé en contrebas. Granit ou schiste de la Côte Rôtie, calcaire de la Côte des Blancs, tuffeau des coteaux du Saumurois. Si l’argile, qui retient davantage l’eau, est présente avec le calcaire, comme en Côte d’Or par exemple, alors les plus grands terroirs sont ceux où la pente est la plus forte, ou le sol plus filtrant, Clos Saint-Denis, Chevalier-Montrachet, Cras de Chambolle, Musigny, Corton-Charlemagne ou Laveau-Saint-Jacques.
L’eau régule, on dit aussi que les plus grands Médocs voient la rivière, et en effet, parmi ceux qui la voient, il y a Palmer, Latour, Ducru-Beaucaillou, Margaux ou Pichon-Comtesse. Rivière, rus minuscules, cours d’eau apparents ou souterrains, grands fleuves, l’eau est présente partout où on fait du bon vin. À tout seigneur, tout honneur, la Loire, le plus grand de nos fleuve, défile tour à tour devant Pouilly, Sancerre, Gien, Amboise et Bourgueil, Montlouis et Vouvray, Chinon, Saumur et j’en passe ! Son influence se fait sentir directement dans 73 appellations d’origine contrôlées, 20% du capital des terroirs viticoles de ce pays. Le Lot, la Durance, le Cher, l’Aude, qui serpente entre les vignobles des Corbières, de Limoux, de la Malepère, de Cabardès. Le Rhône, les Rhônes ai-je envie de dire, où se jettent la Saône, l’Isère, la Drôme, la Sorgue, fille de la fontaine du Vaucluse. Il y a la Gironde, nourrie de la Garonne et de la Dordogne, le Doubs, l’Ardèche, l’Hérault et le Gard. Que d’eau, me direz-vous, quel bonheur plutôt ! Les vins de France doivent tant à cette profusion d’eau vive. Ajoutons les innombrables affluents, confluents, torrents descendus des montagnes, tous ont leur influence. Le petit Serein, l’air de rien, coule en plein Chablis, à Vougeot c’est la Vouge minuscule, à Meursault, rus insignifiants mais influents, Lamponne, Rimbert, ruisseau de Meursault. Il y a la Dheune à Santenay, à Nuits-Saint-Georges le Meuzin, la Vendaine à Pommard, le Gave qui traverse Pau, au pied du vignoble de Jurançon, l’Adour qui croise en terre de Madiran. Tantôt apparent, tantôt souterrain, le réseau hydrologique du terroir de Pessac-Léognan est capital, les rivières drainent les vignobles ou les tiennent au frais. Breyra, Saucats, Eau Bourde, Eau Blanche, ont su amadouer le courroux du caniculaire millésime 2003 dans la patrie de Montesquieu. Entre Barsac et Sauternes, il y a le Cirons miraculeux, sans qui point de botrytis cinerea pour grandir la complexité des liquoreux à l’aube de l’automne. Les liquoreux d’Anjou boivent du Layon, de l’Aubance, du Thouet, tous finissent leur course dans la Loire. Fecht, Thur, Doller traversent le vignoble alsacien pour se jeter dans l’Ill, qui à son tour, se jette dans le Rhin. 
Des villes de vin s’appellent Villefranche-sur-Saône, Tournon-sur-Rhône, Pouilly-sur-Loire. Les rivières donnent leur nom à tant de départements, et en particulier à ceux où on fait du vin. Les montagnes, les collines et les monts ont aussi leur importance, contreforts du Massif Central, les Cévennes où on produit les meilleurs vins du Languedoc, l’Ardèche, terre du profond Cornas. Si les collines surplombent le Lot, alors on fait du Cahors, si elles dominent le Tarn, alors on fait du Gaillac. Il y a la Montagne de Reims, tout comme il y a aussi le Jura. De Jura à Jurassique il n’y a qu’un pas, l’eau est mère de la géologie des vignobles qu’elle a patiemment formée. De la mer originelle au soulèvement alpin, strate après strate, dépôts, alluvions et colluvions, de la Méditerranée à la Manche, à travers le sillon Rhodanien, en esquivant le Massif Central par l’est, le Jura par l’ouest, les montagnes des Ardennes par le sud, la mer a façonné le Mâconnais, le Sancerrois, la Côte Chalonnaise ou le Chablisien. De l’eau, encore de l’eau, j’en reprendrais bien une goutte.
Influence océanique cela veut dire pluie, et s’il en faut pour les nappes phréatiques, il en faut aussi pour le vin. Trop, c’est trop, comme en 1965, mais pas assez, ça ne fait pas du vin français. Avec cent jour de beau de rang, Monsieur Charmolüe, alors propriétaire de Château Montrose, a dit de son millésime 1990, que c’était certes un grand vin, mais certainement pas du Château Montrose.
Robert Parker a chanté les louanges du Château Cheval Blanc 1947, sans doute parce qu’il est lui-même de ce célèbre millésime, mais c’est la manière dont il a décrit ce vin, comme ressemblant à s’y méprendre à un Porto millésimé, qui oblige à dire que le propos d’un vin français, n’est pas de ressembler au plus grand des vins du Portugal, et qu’une onctueuse « sucrosité », n’est pas l’apanage premier d’un Saint-Emilion sur terroir de graves. Aucun des six millésimes qui ont précédé le classement des vins du Médoc de 1855 ordonné par Napoléon III, n’a laissé la moindre trace dans les annales des vins de Bordeaux, pourtant, il n’y a pas d’erreur. Cela veut dire que cette terre est capable, par tous temps, et donc aussi et surtout, par mauvais temps, de livrer des grands vins : un grand terroir, c’est ça.

Raphaël Gimenez Fauvety.  

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