Cela fait trois, quatre, cinq fois que j'essaye d'écrire un article sur nos vinifications et que je finis par tout effacer. Trop de choses à dire... Vinifier impose de faire de multiples petits choix qui finissent par changer le profil final du vin. Chaque décision que nous prenons avec Nicolas est réfléchie, débattue, argumentée ou, au contraire, complètement instinctive car fruit d'une longue expérience à faire et goûter des vins. Résumer tout cela en un billet : impossible.
Alors commençons par les bases : la transformation du raisin en vin, pour tous ceux d'entre vous qui ne connaissent pas encore les merveilles de la fermentation.
Dans le cas des rouges, le raisin va fermenter avec la peau, ce qui lui donnera de la couleur et des tanins. Pour les blancs, c'est différent, on commence par presser les fruits et le jus fermentera ensuite en phase liquide.
Pour acheminer le raisin dans les cuves ou le pressoir il y a plusieurs solutions : le pomper, le faire tomber (on appelle ça "par gravité") ou utiliser un tapis élévateur. La pompe va écraser et malaxer les baies. La gravité impose de pouvoir vider les caisses ou les bennes directement dans les cuves et donc d'avoir un chai avec plusieurs étages. Nous avons choisi d'utiliser un tapis élévateur, appelé sauterelle ou girafe, qui nous permet de garder un maximum de baies intactes. Par contre, c'est la galère pour nettoyer.
Les levures permettent de transformer le sucre en alcool. C’est la première fermentation, la fermentation alcoolique. Cette réaction dégage du dioxyde de carbone (CO2) et va faire pétiller le vin. C’est d’ailleurs grâce à une fermentation en bouteille que l’on fait les pétillants naturels, crémants et autres champagnes. Lorsque l’on fait du vin rouge, les raisins doivent macérer avec le jus afin d’extraire la couleur et les tanins. Malheureusement le gaz va les faire remonter à la surface et créer ce qu’on appelle un chapeau de marc. Il faut donc régulièrement remettre en contact le raisin avec le jus qui se trouve en dessous.
Deux solutions : soit on remonte la partie liquide avec une pompe et on arrose la partie solide, ce qui s’appelle un remontage ; soit on plonge le marc dans le jus lors d’un pigeage (sur cette vidéo, fait à la main).
Une fois que la macération est terminée, ce que nous décidons également en goûtant le vin, il faut presser le marc. On écoule d’abord la cuve, en drainant tout le liquide et on obtient alors les jus de goutte. Puis il faut sortir le raisin humide et alcoolisé (souvent à la force des bras) pour le mettre dans le pressoir. On obtient alors les jus de presse. A la fin du pressurage, il ne reste plus que le gâteau de marc, c’est à dire des raisins compactés, qui sera ensuite récupéré par l’Etat et distillé pour en faire de l’alcool à pharmacie. Ou bien, dans notre cas, il sera composté pour rendre aux vignes un peu de ce qu’elles nous ont donné.
La malo est assurément moins sexy que la fermentation alcoolique mais elle n’est pas moins utile. Elle permet de transformer l’acide malique en acide lactique. L’acide malique, celui de la pomme verte, contient deux fonctions acide (-COOH) alors que l’acide lactique, l’acide du yaourt ou de la choucroute, n’en contient qu’une seule. C’est donc une désacidification naturelle réalisée par des bactéries. Elle est systématiquement réalisée sur les vins rouges, pas toujours sur les vins blancs, que l’on souhaite plus vifs. Elle se déclenche généralement seule sur les vins sans soufre et sans intrants.
L’hiver permet au vin de s’élever, de mûrir et devenir meilleur. Nous n’y touchons pas, pour que cela se passe au mieux. Lorsqu’il sera prêt, au printemps ou l’été prochain, nous le mettrons en bouteille, tout simplement.
Evidement, elle n’est pas sans risque. Mais c'est un risque que nous avons choisi et que nous essayons de diminuer au maximum. Un des moyens, c'est d'être très attentif à l'hygiène. Une cave ne pourra jamais être exempte de microorganismes, et d’ailleurs cela serait plutôt contre-productif, mais on peut éviter certains nids à microbes.
Surtout, nous observons nos levains indigènes et nos vins au microscope. Cela peut paraître bizarre ou extrême, mais à partir du moment où l'on laisse la nature faire, il est crucial de savoir quelles bêbêtes sont présentes. On repère ainsi les éventuels problèmes plus tôt, et surtout les solutions à ces problèmes ne seront pas les mêmes selon les levures ou les bactéries qui travaillent. Je vous conseille d’ailleurs cet excellent article, si vous souhaitez approfondir le sujet.
Nous n’avons pas notre propre microscope. Nous allons donc chez des collègues vignerons qui en sont équipé pour jeter un œil à ce qu’il se passe dans nos cuves. C’est l’autre avantage : nous pouvons ainsi discuter, échanger et prendre du recul sur nos pratiques. Car chaque millésime est différent et chaque vin unique. C’est pour cela que c'est si passionnant !
- Maya -