LE SERPENTÀ PLUMES
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Installation : au bout du parcours aidé

26/11/2016

8 Commentaires

 
Il y a eu beaucoup trop d’articles poétiques récemment, où des levers de soleils radieux disputaient la vedette à des grappes de raisin saines et juteuses. Je devais intervenir : l’agriculture, c’est aussi des formulaires administratifs, des sigles obscurs et de la structuration. Bon, sans blaguer cette fois : les aspirants vignerons qui nous lisent voudront certainement démêler cette affaire de parcours aidé / non-aidé. Bonne lecture à eux. 
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Pour reposer votre esprit entre les paragraphes, cet article sera illustré par la biodiversité de nos parcelles.
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​Lorsqu’on décide de devenir agriculteur, de « s’installer » comme on dit dans la profession, on a la possibilité de le faire sans se poser de questions : trouver des terres et espérer que la SAFER n’y voie aucun problème, déposer son statut d’entreprise et se mettre crânement au travail.
​Reste qu’il y a des choix importants à faire et qu’il vaut mieux décider en connaissant les conséquences.
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Chien de type 'corniaud'. Rôle dans la biodiversité des vignes : joue avec le fumier, court après les chevreuils.
 
Le parcours classique est plus sinueux mais il donne droit à des aides, et on est globalement renseigné sur tous les sujets importants. Parmi les étapes, il faut prendre contact avec la Chambre d’Agriculture du département, posséder ou passer un diplôme agricole, suivre une formation de 4 jours et, pour finir, déposer un dossier complet comprenant un prévisionnel économique sur quatre ans. Nous avions décidé, au tout début, de suivre ce parcours.
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J’ai déposé mon dossier de Dotation Jeune Agriculteur cet automne : j’ai donc été au bout des démarches et je peux maintenant vous en parler en connaissance de cause.
Photo
Ephippigère : plutôt un bon signe pour la biodiversité, c'est un insecte en régression à cause des insecticides et de la destruction des couverts. Mange les feuilles des vignes mais aussi des larves et des oeufs d'insectes. 

Les avis à propos de ce parcours aidé sont souvent très tranchés. Il faut dire que lorsqu’on pèse le pour et le contre, les éléments de chaque côté de la balance sont franchement imposants.
 
Côté « pour », il faut citer l’obligation de bien structurer le projet, d’anticiper des difficultés, de mieux connaître ses besoins économiques. C’est plus facile dans ces conditions de convaincre un banquier, au moins en théorie. Anticiper et résoudre des difficultés avant qu’elles n'arrivent, par exemple sur le fond de roulement de l’entreprise, est aussi un facteur de succès.
L’aide versée par l’Europe et l’Etat n’est pas négligeable : entre 8000 et 33000 euros, avec une moyenne à 15000 € environ. Il y a des modulations : les hors-cadre familiaux, les agriculteurs en zone de montagne, les bios, les agriculteurs qui réalisent eux-mêmes la transformation ou la commercialisation perçoivent une dotation dans la fourchette haute. C’est beaucoup d’argent et cela permet de financer son installation, d’investir dans du matériel ou simplement de faire face à une ou deux années sans revenus. La dotation est versée directement sur le compte personnel du jeune agriculteur, comme pour mettre en évidence qu’elle n’est pas obligatoirement à utiliser pour l’entreprise.
Photo
A priori, des milans royaux mais la reconnaissance d'oiseaux n'est pas mon fort. Rôle dans la biodiversité : rend le vigneron heureux.
Côté « contre », je suis obligé d’admettre que la constitution du dossier est un travail ardu. Une fois tous les documents réunis, il y a une bonne centaine de pages de formulaires, de prévisionnels et de justificatifs. Cela prend du temps d’aller chercher toutes les informations, toutes les justifications comptables du prévisionnel.
Par ailleurs, le prévisionnel est un engagement. Lorsqu’on écrit qu’on va travailler 7 hectares pendant 4 ans, il faut réellement le faire. Lorsqu’on dit que le bâtiment que l’on construit va coûter tant de milliers d’euros, idem. Les écarts ne sont pas tolérés, ou bien seulement à la marge. Si l’on change de plan en route, par exemple si le voisin met subitement en vente la parcelle juste à côté, il faudra faire un avenant au dossier, avec tout ce que cela implique.
Enfin, le bénéficiaire de la Dotation doit tenir une comptabilité, être assujeti à la TVA et être agriculteur à titre principal, c'est à dire que son revenu agricole devra être supérieur aux revenus salariés ou non-agricoles. Dans certains cas de figure, cela peut poser problème.
Le montage de ce dossier est réalisé dans la majorité des cas par la Chambre d’Agriculture, qui le facture (environ 1000 €). Mais ce n’est pas une obligation. On peut le présenter en candidat libre ; c’est difficile mais pas impossible. Des associations comme l’AFOCG ou l’ADEAR, dans certains départements, peuvent aussi vous aider à monter le dossier. Personnellement c’est l’ADEAR  qui nous a accompagné. L’animatrice connaissait déjà très bien notre dossier après la formation de dix journées à l’automne dernier, c’était évident de continuer ensemble. 
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Photo
Vendangeur prudent de type 'ganté". Rend de fiers services au vigneron en coupant la récolte ; boit aussi de fières quantités de vin. Auxilliaire de culture en régression malgré son utilité.
A présent, mon dossier est dans les mains de l’administration. Il est passé devant la commission départementale d’orientation agricole, où siègent les différentes instances, les syndicats agricoles et d’autres interlocuteurs de l’agriculture, pour un avis consultatif. Il devrait passer bientôt devant la commission dédiée du Conseil de Région à Toulouse, l’instance décisionnaire. Si tout va bien, la réponse sera connue en janvier et la dotation, si elle m’est accordée, sera versée au printemps.
 
Je ne sais pas encore comment nous vivrons cet engagement sur 4 ans. Evidemment, certains aspects ne se passeront pas comme prévu, mais j’espère que nous resterons dans les clous et que nous n’aurons pas besoin de faire des avenants trop importants.

Photo
Araignée, peut-être de l'espèce des argiopes (?), avec une toile parfaite pour attraper les ravageurs, comme les tordeuses, dont la larve perce les grains de raisin.

​Voilà pour le monde abstrait. Dans le monde concret, le mois de novembre a été calme, une fois terminée la vinification (qui sera l’occasion d’un billet entier prochainement). Avec les températures douces, la vigne a encore ses feuilles et la sève n’est pas descendue dans les racines. Hors de question de commencer la taille pour l’instant.

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Autour de nous, les collègues vignerons partent en salons. Pour l’instant, notre vin de 2016 est trop jeune et nous sommes bien obligés de ronger notre frein. A la place, nous réfléchissons à nos futures étiquettes, ainsi qu’à l’équipement de vigne et de cave dont nous aurons besoin la saison prochaine. C’est un temps mort de l’année, mais nous en avons franchement besoin pour mettre en place tout ce qui devra fonctionner la saison prochaine, sur un parcellaire bien plus important.

​Nicolas
8 Commentaires
Aloys
2/12/2016 20:51:26

Encore un super billet. Merci de nous faire partager ces moments fondateurs de votre installation. Le début, je l'espère sincèrement, d'une belle histoire!

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Lefebvre David link
2/12/2016 21:09:51

Bonsoir Maya, c'est un bonheur de te lire.
La DJA c'est 110 k€ ?
Oui c'est dommage de laisser passer ,
Mais effectivement les rails sont un peu à sens unique ...
Je comprends que le revenu agricole doit dépasser les autres revenus ...
Par contre je rencontre des jeunes qui sont heureux de me dire qu'ils n'ont pas fait de DJA, souvent des jeunes qui reprennent l'affaire familiale.
Beaucoup de plaignent des contre-parties à devoir : Assurances imposées , emprunts à telle ou telle banque pour le fonds de roulement notamment, etc...
Bises à vous deux . Je tiens à être l'un de vous tout premiers clients ;) ou plutôt fans... david

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Lefebvre David link
2/12/2016 21:11:53

Oups Maya et Nicolas ;o) Bises

Répondre
Maya
3/12/2016 09:45:51

Bonjour David,
merci beaucoup! C'est Nicolas qui a écrit cet article et je suis d'accord, il écrit très bien! ;)

La DJA s'élève en moyenne à 15 k€ (entre 8 k€ et 35 k€) et effectivement, ce n'est pas négligeable.

A propos de ta remarque sur les contreparties, je pense que cela concerne surtout des prêts bonifiés JA et non pas de la DJA. Les prêts JA sont des prêts accordés par les banques aux jeunes agriculteurs à un taux de 1% pour 5 ans. En ce moment, les taux des prêts agricoles "normaux" sont de toute façon proche de cette valeur. La démarche pour les prêts bonifiés JA étant assez lourde (y compris pour les banquiers), ce n'est presque plus utilisé. Nous n'avons pas demandé de prêts JA.

Par ailleurs, je vois vraiment la DJA comme un espèce de soutien financier qui permet d'attendre que l'activité dégage un revenu. D'ailleurs le jeune installé a l'obligation de se dégager un revenu au bout des 4 ans (1 smic au moins). Cette "béquille" est peut-être moins nécessaire pour des jeunes qui reprennent une structure capable de les payer tout de suite, au moins un peu.

Nous avons, nous aussi, eu plusieurs retours de vignerons qui étaient heureux de ne pas avoir demandé la DJA. L'idée serait de ne pas avoir à reverser la TVA perçue, et aussi de ne pas cotiser plein pot à la MSA. On entend pour résumer : "l'Etat reprend d'une main, en impôts et cotisations, ce qu'il donne en DJA de l'autre".
C'est effectivement une option et un vrai questionnement à avoir.
Pour nous qui devons nous équiper de zéro sur le matériel de culture et de cave (d'occasion, bien sûr, mais avec tout de même 20% de TVA), nous allons récupérer de la TVA et non pas en verser au début. On fait le pari qu'on va sans doute gagner à l'assujettissement, en tout cas tant qu'on est en-dessous du seuil d'assujettissement obligatoire et qu'on a le choix. Peut-être que ce n'est pas le cas, on verra!

Dans tous les cas, c'est important d'écouter les conseils de ceux qui sont passés par là. Il faut aussi bien poser son projet sur le papier et vraiment faire une compta prévisionnelle (même si c'est indigeste et qu'on aurait plutôt envie d'aller dans les vignes...). Chaque projet est unique et les atouts et inconvénients n'auront pas toujours le même poids. C'est ce qui est à la fois compliqué et passionnant.

Bises

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Forgeois
3/12/2016 00:26:50

Super post. Un régal à lire. Vous êtes bon et il y toujours une place pour les bons.

Répondre
AL
3/12/2016 11:53:47

très bon post.
Pour ma part je reste bloquée au chiffrage où les conseillers de la Chambre m'ont fortement conseillé de ne pas m'installer (frilosité de la fonction publique par rapport à un projet nouveau peut être) cela ne m’empêchera pas de continuer. Je vous souhaite réussite et pas trop d'avenants :)

Répondre
Nicolas
4/12/2016 20:31:00

C'est vrai que le schéma où l'on vend à une multitude de clients encore non-démarchés et évidemment encore non-contractualisés perturbe les instances agricoles traditionnelles où on dirait que l'agriculteur est sensé produire une matière première avant tout.

Ici, une banque spécialiste de l'agriculture nous a aussi incité avec force à tout laisser tomber et de plutôt nous lancer dans le porc industriel. La coopérative régionale en a besoin, la banque nous aurait financé sans problème puisqu'il y aurait eu un contrat sur plusieurs années. Mais du vin bio, du vin naturel, "aucun avenir". Tant pis pour eux. J'espère qu'ils pourront constater que si, il y a un avenir, et autrement plus réjouissant que le porc industriel. Bonne chance AL, vends bien tes vins et longue vie aux projets nouveaux.

Répondre
Raphaël Marchal
31/1/2017 19:15:23

Bonsoir Maya et Nicolas,
je lis vos billets avec une grande admiration tant vous expliquez avec simplicité et clairvoyance votre vie de vignerons passionnés.
J'espère que vous avez eu une réponse positive pour la DJA.
J'ai vraiment hâte de pouvoir déguster vos cuvées et je vous dis bon vent pour ce millésime.
A bientôt
Raphaël

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