Pour reposer votre esprit entre les paragraphes, cet article sera illustré par la biodiversité de nos parcelles.
Lorsqu’on décide de devenir agriculteur, de « s’installer » comme on dit dans la profession, on a la possibilité de le faire sans se poser de questions : trouver des terres et espérer que la SAFER n’y voie aucun problème, déposer son statut d’entreprise et se mettre crânement au travail.
Reste qu’il y a des choix importants à faire et qu’il vaut mieux décider en connaissant les conséquences.
Le parcours classique est plus sinueux mais il donne droit à des aides, et on est globalement renseigné sur tous les sujets importants. Parmi les étapes, il faut prendre contact avec la Chambre d’Agriculture du département, posséder ou passer un diplôme agricole, suivre une formation de 4 jours et, pour finir, déposer un dossier complet comprenant un prévisionnel économique sur quatre ans. Nous avions décidé, au tout début, de suivre ce parcours.
J’ai déposé mon dossier de Dotation Jeune Agriculteur cet automne : j’ai donc été au bout des démarches et je peux maintenant vous en parler en connaissance de cause.
Les avis à propos de ce parcours aidé sont souvent très tranchés. Il faut dire que lorsqu’on pèse le pour et le contre, les éléments de chaque côté de la balance sont franchement imposants.
Côté « pour », il faut citer l’obligation de bien structurer le projet, d’anticiper des difficultés, de mieux connaître ses besoins économiques. C’est plus facile dans ces conditions de convaincre un banquier, au moins en théorie. Anticiper et résoudre des difficultés avant qu’elles n'arrivent, par exemple sur le fond de roulement de l’entreprise, est aussi un facteur de succès.
L’aide versée par l’Europe et l’Etat n’est pas négligeable : entre 8000 et 33000 euros, avec une moyenne à 15000 € environ. Il y a des modulations : les hors-cadre familiaux, les agriculteurs en zone de montagne, les bios, les agriculteurs qui réalisent eux-mêmes la transformation ou la commercialisation perçoivent une dotation dans la fourchette haute. C’est beaucoup d’argent et cela permet de financer son installation, d’investir dans du matériel ou simplement de faire face à une ou deux années sans revenus. La dotation est versée directement sur le compte personnel du jeune agriculteur, comme pour mettre en évidence qu’elle n’est pas obligatoirement à utiliser pour l’entreprise.
Par ailleurs, le prévisionnel est un engagement. Lorsqu’on écrit qu’on va travailler 7 hectares pendant 4 ans, il faut réellement le faire. Lorsqu’on dit que le bâtiment que l’on construit va coûter tant de milliers d’euros, idem. Les écarts ne sont pas tolérés, ou bien seulement à la marge. Si l’on change de plan en route, par exemple si le voisin met subitement en vente la parcelle juste à côté, il faudra faire un avenant au dossier, avec tout ce que cela implique.
Enfin, le bénéficiaire de la Dotation doit tenir une comptabilité, être assujeti à la TVA et être agriculteur à titre principal, c'est à dire que son revenu agricole devra être supérieur aux revenus salariés ou non-agricoles. Dans certains cas de figure, cela peut poser problème.
Je ne sais pas encore comment nous vivrons cet engagement sur 4 ans. Evidemment, certains aspects ne se passeront pas comme prévu, mais j’espère que nous resterons dans les clous et que nous n’aurons pas besoin de faire des avenants trop importants.
Voilà pour le monde abstrait. Dans le monde concret, le mois de novembre a été calme, une fois terminée la vinification (qui sera l’occasion d’un billet entier prochainement). Avec les températures douces, la vigne a encore ses feuilles et la sève n’est pas descendue dans les racines. Hors de question de commencer la taille pour l’instant.
Autour de nous, les collègues vignerons partent en salons. Pour l’instant, notre vin de 2016 est trop jeune et nous sommes bien obligés de ronger notre frein. A la place, nous réfléchissons à nos futures étiquettes, ainsi qu’à l’équipement de vigne et de cave dont nous aurons besoin la saison prochaine. C’est un temps mort de l’année, mais nous en avons franchement besoin pour mettre en place tout ce qui devra fonctionner la saison prochaine, sur un parcellaire bien plus important.
Nicolas