LE SERPENTÀ PLUMES
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Les rayons de soleil

23/7/2019

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​Le mois de juillet s’achève, et avec lui la saison viticole. Tous les ans, nous guettons avec impatience l’arrêt de croissance de nos vignes, qui signe la fin de la course. Car en mai, juin et juillet, nous suivons tant bien que mal la pousse rapide de nos vignes : ébourgeonnage, épamprage, relevage, travail du sol, tonte des engrais verts, traitements et surgreffage. Nous sommes dans le rouge, sous l’eau, débordés. C'est le cas depuis cet automne depuis que nous avons eu une petite fille.
Photo : Nous considérons nos vignes proches de l'arrêt de croissance lorsque les deux feuilles du haut encadrent l'apex et en arrêt total lorsque l'apex sèche et tombe.
​Je reviens tout doucement dans les vignes depuis le printemps. J’ai pris mon temps, le temps de m’occuper de ce tout petit bébé, le temps, aussi, d’essayer de prendre soin de moi. La grossesse s’était très bien passée, d’un point de vue médical, et j’ai pu continuer à travailler à la cave jusqu’à huit mois (et faire les vinifications !) et au bureau jusqu’à la veille de l’accouchement. J’ai donc été particulièrement surprise d’être si mal après. Le retour dans la chambre d’hôpital, avec ma fille dans mes bras, je l’ai pris en pleine face, une vraie claque. J’avais l’impression d’être passée sous un train et que personne ne m’avait prévenue ou mise en garde. J’ai mis plusieurs jours à pouvoir me lever, plusieurs semaines à pouvoir marcher, aller jusqu’au bout du hameau. 
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Chemin des Coustalasses, au bout du hameau, 11 décembre 2018, avant de partir à la matérnité
​Le « quatrième trimestre » de grossesse, celui que l’on vit avec son bébé à l’extérieur, a été une vraie réalité pour moi. Il m’a fallu tout ce temps pour m’habituer à me tenir debout, à retrouver du muscle, à rentrer dans mes vêtements d’avant. Il m’a fallu quatre mois pour pouvoir retrouver mes chères vignes, mon autre bébé. Je l’ai vécu comme une grosse frustration. C’était vraiment dur.
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Pour Nicolas aussi, l’hiver a été rude. Je suis vigneronne, comme lui. Je passe du temps dans les vignes, je taille, j’attache, comme lui. Je suis aussi au bureau, au chai, comme lui. Nous faisons tout à deux et je n’étais plus là. A la place, je m’occupais sans discontinuer d’un petit être affamé, fatigué, dormant peu et criant beaucoup. Il voyait le retard s’accumuler et c’était comme écoper un bateau qui prend l’eau avec une petite cuillère. Il avait autant envie de passer du temps avec sa petite fille que moi dans les vignes. Et ni moi ni lui ne pouvions inverser les rôles. On nous avait prévenus, avoir un enfant c’est dur. Nous le savions, mais le vivre, c’est autre chose.
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​Il y a un terme, moderne, qui caractérise tous les changements qui affectent les parents après la naissance ou l’adoption d’un enfant, c’est la matrescence, une contraction de maternité et d’adolescence. Il a été prouvé que le cerveau (et le corps, dans le cas des mères) subit des modifications profondes, du même niveau mais beaucoup plus rapides que lors de l’adolescence. Cette vague là, la matrescence, m’a emportée. Mes centres d’intérêt ont changé, mes priorités ont changé, mon corps (mon premier outil de travail), mon sens du goût, beaucoup de choses ont changé. Je retrouve peu à peu l’équilibre. Evidemment, rien ne sera plus pareil. Il y a une petite fille qui occupe en permanence une partie de mon esprit. Elle est tout le temps là, elle me remplit et me manque en permanence et c’est presque impossible de se souvenir de comment c’était avant, un monde sans elle.
Notre rythme de vignerons a changé, nous prenons plus de temps pour notre famille, nous nous arrêtons enfin le week-end. C’est agréable ces moments rien que pour nous. D’un autre côté nous sommes toujours en processus d’installation, il y a encore des montagnes de choses à faire et nous manquons toujours de temps. Il faut réussir à gérer tous ces sentiments complexes, ces flux et reflux d’émotions culpabilité stress frustration joie bonheur emmêlés. 
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En salon avec un mini bébé d'un mois et demi. Crédit : Nicolas Rizzi
​La fatigue, aussi, s’invite à la table. J’ai fait le choix d’allaiter mon enfant. Cela me paraissait la chose la plus naturelle à faire, la plus cohérente avec nos vies. La mère, dans ce cas, a un rôle central, et même si nos proches peuvent parfois prendre le relai, les nuits m’appartiennent. Et je ne sais pas qui a inventé l’expression « dormir comme un bébé » mais il ne devait pas en avoir lui-même !

Cela dit je ne me leurre pas, ce n’est pas uniquement Alix qui me vole mon énergie et dessine des cernes sous mes yeux. Nicolas est fatigué aussi. Les maraîchers à qui nous achetons nos légumes aussi, et nos amis vignerons encaissent tous leur saison. La chaleur est véritablement accablante et le travail est intense. Tous les ans, à la fin du mois de juillet, nous récupérons. Nous avons besoin de reprendre pied après les couchers tardifs, quand l’air enfin, se rafraîchit, les éveils bien trop matinaux et les journées de fournaise entre les deux. Travailler à l’extérieur en toutes saisons est un bonheur, une joie sans cesse renouvelée, mais l’été nous épuise et nous avons encore besoin de l’accepter, de lâcher prise. Nous avons le droit de nous alarmer aussi, et le devoir de le dire, car nous ne pouvons plus occulter le fait que la terre se réchauffe et que nous, paysans, nous sommes en première ligne (lire à ce propos l'excellent et effrayant article de Catherine Bernard). 
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Aujourd’hui, malgré la fatigue et l’angoisse sur l’avenir du monde (vaste sujet à porter sur de frêles épaules d’agriculteurs :) ), nous restons optimistes, fiers et heureux. Nous parcourons nos vignes et elles sont magnifiques. Les sols enherbés revivent, et semblent nous donner un peu de répit face à la sécheresse qui s’étend sur le Causse. Le feuillage haut et fier protège nos raisins. Il y a plein d’insectes, plein d’animaux. Les cépages blancs, que nous avons surgreffés l’année dernière sont en pleine forme, et nous avons hâte de découvrir la signature de nos terroirs kimméridgiens sur ces jolies vignes que nous avons si soigneusement choisies et accompagnées.
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Nous avons emménagé avant les vendanges dans une superbe maison quercynoise, proche des vignes, beaucoup trop grande pour nous mais qui sera un jour le bel écrin de notre domaine. Ici aussi, le travail ne manque pas, s'annoncent quelques années de joyeux bazar et de jardin bohème, mais nous sommes encore émerveillés d’avoir pu poser nos valises dans un tel endroit.
Enfin, nous avons créé, de toutes pièces, un magnifique petit être rayonnant de santé, curieux, joyeux et drôle. Une petite fille qui pose tous les jours un œil neuf sur le monde et qui nous ébloui de ses apprentissages, ses découvertes, et de la vitesse à laquelle elle grandit. 
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- Maya -
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