Alors que nous passions nos journées à observer les pieds et à tenter, sur chacun, de former la plante selon les principes de la taille Guyot-Poussard, nous avons été heureux de voir se multiplier, sur Internet et dans la presse, les articles consacrés à cette technique, alors qu’ici, les avis étaient plutôt sceptiques. La prise de parole éclairante de Jean-Michel Comme (directeur technique du château Pontet-Canet, à Pauillac) dans le Point, mais aussi celle de Pascal Lecomte dans La Vigne, nous ont fait plaisir, le soir, à l’heure de se masser les mains. Si le sujet vous intéresse, que vous souhaitez mieux comprendre ce qu’on entend par « respect des flux de sèves », nos amis de Dambach-la-Ville, Florian et Mathilde Beck-Hartweg, y ont consacré une vidéo Youtube.
Pied après pied, l’habitude venant, nous nous sommes vu travailler mieux et surtout plus vite. Nous avons taillé le dernier rang à une vitesse tout à fait honorable, dix fois plus rapidement que le premier rang. Nous ne sommes déjà plus des tailleurs débutants.
A ce niveau de l’article, une définition de certains termes techniques s’impose. Pas d’inquiétude, faisons cela en image :
Les deux petits segments, ce sont les coursons. Le premier se trouve juste sous la baguette, l'autre est en haut à droite du pied, juste sous le fil. Les coursons sont peu fructifères, mais ce n’est pas leur fonction première. L’objectif, c’est que les rameaux issus de leurs bourgeons forment les branches gardées à la taille l’an prochain, c'est-à-dire la future baguette… et le futur courson.
Dans la taille Guyot classique, il n’y a qu’un courson. Dans la taille Guyot-Poussard, comme sur la photo, on en conserve deux, un de chaque côté du pied, pour justement faire circuler la sève des deux côtés. Si l’on abandonne un côté en supprimant le flux, le bois se nécrose et des champignons s’y développent, pouvant dans le pire des cas tuer le pied.
Nous avons pu nous rendre compte que le Malbec, à l’attachage, était un cépage plutôt capricieux. Un peu trop de brusquerie et la baguette se rompt. S’il y a quelque chose de contrariant, après avoir taillé soigneusement son pied, c’est bien de casser une baguette. Presque pas de récolte sur le pied, les rameaux des coursons qui vont grossir sans retenue et compliquer la taille de l’année suivante : c’est une catastrophe en miniature à chaque fois que cela arrive. Alors on peste, on se dit qu’on a était trop brutal, qu’il vaudrait mieux attacher sous la pluie, que la baguette était trop grosse... puis on se rappelle que tout le monde casse une baguette de temps en temps. Pour éviter de telles montagnes russes émotionnelles, on plie doucement, en faisant délicatement craquer le bois avec des gestes contrôlés, on ruse, et finalement, on place le lien qui maintient la baguette à sa place.
Les travaux d’hiver sont maintenant terminés. La saison végétative débute, avec dix jours d’avance sur la moyenne d’après les techniciens du secteur. Les travaux de printemps commencent ; il va falloir protéger les jeunes feuilles et les jeunes rameaux du mildiou et de l’oïdium qui vont bientôt les menacer, canaliser la végétation, nourrir et entretenir les sols... On ne va pas s’ennuyer ;)
Nicolas