Et d’expliquer ainsi sa proposition :
"Quand le concept d’énergie m’est venu à l’esprit, je ne pensais pas du tout au vin, mais aux vigneronnes et aux vignerons. Car de l’énergie il en faut pour produire du vin, il faut même en dépenser sans compter.
De l’énergie, il en faut pour se lancer, pour se dire « ok je deviens vigneron ». En moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, il faut se découvrir aussi bien ouvrier viticole que tractoriste et agronome ; caviste (dans le sens d’ouvrier de cave), vinificateur, oenologue ; gestionnaire, comptable, juriste, être capable de dialoguer aussi bien avec les douanes (qui contrôlent les mouvements de raisins et de vins, et se chargent de percevoir la fiscalité liée aux boissons alcoolisées) que la DGCCRF (Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes, qui contrôle aussi bien les vins que les étiquettes), le ou les ODG (Organisme de Défense et de Gestion, au niveau d’une appellation), l’interprofession (niveau régional), ou encore l’INAO (Institut National des Appellations d’Origine, au niveau national) sans parler de la Chambre d’Agriculture, la MSA (Mutuelle Santé Agricole), les diverses formes juridiques d’une entreprise agricole ou de négoce… ; communicant, marketeur, graphiste, organisateur d’événement et surtout commercial."
Evidemment, ça nous a beaucoup parlé, car ces dernières semaines nous avons travaillé sur la plupart de ces sujets : aller travailler nos vignes, passer les préparations biodynamiqus, chercher un tracteur d’occasion, trouver un nom, penser à nos futures étiquettes et à leur présentation.... Quand aux acteurs de la filière listés, nous avons travaillé avec chacun d’entre eux pour nous affilier, créer un numéro d’exploitant, obtenir ou non l’AOC cette année, monter un prévisionnel économique, au milieu d’une multitude d’autres sujets.
Parler d’énergie, au moment où nous consumons la notre sans compter, pour se retrouver épuisés le dimanche soir et recommencer de plus belle le lundi matin, ça nous plaisait.
Je pourrai vous parler des plateaux où nous nous installons à Cahors, avec leurs vues immenses, leurs jeux d’ombres et de lumière sous les nuages épars d’un jour comme aujourd’hui, mais tout ceci ne serait pas très objectif. J’aurai pu aussi écrire à propos de la colline de l’Hermitage, qui exerce sur moi une fascination magnétique, mais malheureusement je n’ai pas goûté assez d’hermitages pour pouvoir en parler précisément.
Non : quand je pense au vin et à l’énergie, je pars tout de suite pour l’Alsace. Et à deux terroirs en particulier.
Pour moi, les vins du Hengst, ce sont les Riesling de Christian, Véronique et Denis Hebinger, à Eguisheim. Toujours dans une puissance retenue, dans une finale large, vive et minérale. Des vins sérieux, de réflexion, qui parlent à l’âme et, fidèles à l’esprit du lieu, qui ne peuvent s’apprivoiser qu’après avoir laissé leur prime jeunesse derrière eux.
L’autre terroir, c’est le Bollenberg, une grande croupe calcaire entre Rouffach et Issenheim. C’est le terroir solaire par excellence, un endroit où les millésimes de sécheresse ne pardonnent pas. Mais quand il pleut assez, cela justifie tous les efforts déployés les mauvaises années. Cette colline aussi est un lieu sacré depuis longtemps : les celtes y célébraient un culte solaire, les mérovingiens y établirent une nécropole, la communauté chrétienne y construisit une chapelle. Et depuis toujours on raconte que des sorcières se rassemblent au sommet pour y fêter le sabbat.
Nous, c’est le vin qui nous y a appelés. L’endroit est vraiment extraordinaire, et par ailleurs, il en sort de fabuleux pinards. Nous y sommes montés un soir avec une bouteille de Riesling d’Eric Litchlé, un vigneron de Gueberschwihr, un village plutôt éloigné du Bollenberg, mais quand le terroir est passionnant, on ferait pour lui de nombreux kilomètres en tracteur.
Nicolas