La réalité, on a pu la goûter sur un tapis, autour d'un verre à shot rempli à ras-bord par un couchsurfer de 25 piges avec qui nous avons passé quelques jours. Comme beaucoup, chaque automne, il se procure des raisins de table au marché ("les plus sucrés"), et avec un ami qui s'y connaît, s'emploie à les vinifier. Le résultat, sorti d'un jerrycan, est un peu désagréable. Le vin est franchement fort en alcool, sans acidité, avec des arômes de raisins secs. Le côté brûlant s'explique facilement : le degré alcoolique a été augmenté par un ajout de sucre blanc avant fermentation (la fameuse chaptalisation). Pourquoi ?
- " Pour que ça défonce plus, tu crois quoi ?", s'est esclaffé le vinificateur amateur.
Je l'ai complimenté pour son résultat. Après tout, le cahier des charges était respecté, c'était très fort et plutôt net. Mais c'était bien loin d'un vin. Je me suis demandé si les vignes de raisin de cuve, soudain honnies et arrachées, s'étaient replantées, et si certains maintenaient une vraie culture vinicole en secret.
Tant que nous parlons picole, il faut saluer ici l'ingéniosité des brasseurs "artisanaux". Là-bas existe une boisson assez étrange, la bière islamique. Évidemment sans alcool, il s'agit d'une macération d'orge, gazéifiée artificiellement, et contenant pas mal de sucres. Ce n'est pas franchement bon mais il s'en vend beaucoup. Les apprentis brasseurs y trouve une parfaite matière première, une vraie binouze en kit : il suffit d'ajouter des levures de boulanger et de patienter quelques jours pour fermenter ces sucres en alcool et obtenir une bière blonde non filtrée.
De notre côté, nous nous sommes rabattu sur une spécialité locale bien plus saine : le jus de carotte.
C'est le jus de fruit le plus commun, et le plus apprécié avec celui de melon vert. Sur les marchés, dans les rues, à l'entrée des bazars, il y a toujours un stand exposant ses carottes empilées et prêtes à passer à la centrifugeuse. En version toute simple dans la rue, ou agrémenté d'une boule de glace au safran pour finir un repas au restaurant, c'est toujours un pur délice. Au rythme d'un ou deux par jour, nous avons clairement pris le risque de devenir orange.
Qu'est ce qu'on mange alors ? Beaucoup de riz, beaucoup de pains plats de toutes sortes. Des kabab, c'est à dire du poulet ou d'autres viandes embrochées sur des lames et grillées au charbon de bois. Des purées à l'aubergine et au riz. Du ragoût au jus de grenade. Des omelettes aux herbes. Du fromage frais, des tomates et du concombre (au petit-déjeuner).
Mais l'idée authentique et géniale que nous ramenons avec nous, c'est les bouquets d'herbe fraîche. Si vous avez lu de la littérature locale comme par exemple le recueil de nouvelles Le goût âpre des kakis, vous aurez remarqué que, toutes les trois pages, une femme est en train de trier des herbes fraîches. La raison, c'est qu'à chaque repas, on vous apporte une botte de persil, de coriandre, de cives, d'estragon, de sariette, de basilic violet, et parfois d'autres choses encore. On le mange avec son pain et son fromage frais, les herbes rafraichissent la bouche et soulignent les saveurs du plat. C'est exquis.
Nicolas
Toutes les photos sont de nous, sauf celle des herbes fraîches, issues du blog culinaire Un peu gay dans les coings.