Déjà, il y a eu ce déménagement. Un de plus, et comme d’habitude on se dit qu’on restera dans la nouvelle maison « au moins deux-trois ans ». L’avantage de la location, c’est qu’on peut se contredire rapidement, sans autre conséquence que de se casser le dos en promenant au gré des vents armoires, vins et bouquins. Et de vivre un bon mois au milieu des cartons.
Alors oui, c’est une petite parcelle, un petit peu moins qu’un hectare, mais voilà : c’est parti ! C’est ce que nous travaillerons en 2016, en attendant plus, peut-être, pour 2017. Nous accompagnerons ces vignes à travers toute la saison pour récolter et vinifier en octobre.
C’est une location (un fermage) conclue avec la personne qui les travaillait jusqu’ici. Tout s’est mis en place lentement : des mois pour se connaître, pour se mettre d’accord et pour enfin signer. C’est peut-être pour cela que nous n’avons pas subitement sauté au plafond, ni débouché des magnums de crémant en hurlant de joie. Mais n’empêche, nous sommes vraiment heureux.
Donc, enfin, nous y sommes. Dans les vignes. Dans nos vignes ? On n'ose même pas encore l'écrire. C’est incroyable de l’avoir pensé, espéré, préparé, et de voir tout cela devenir très concret.
Nous nous levons tôt le matin pour aller tailler, tous les jours où c’est possible. C’est que le temps presse : nous avons un mois pour tout finir avant le débourrement (l’éclosion des bourgeons).
Pour le moment, nous n’allons pas très vite. Nous avons des sécateurs manuels, dotés d’excellentes lames, mais qui demandent une certaine force. Pour nous muscler progressivement, sans accroc, nous tirons les bois à chaque pied taillé, c'est-à-dire que nous enlevons du palissage les sarments éliminés à la taille. Le rythme est plus lent, mais les mouvements plus variés.
Nous nous installons dans une douce routine : partir tôt, se couvrir contre le froid, parfois contre la pluie. Finir un rang. Prendre un thé chaud dans la voiture. S'appliquer à ranger les sarments coupés au milieu du rang. Discuter quelques minutes avec le voisin, ou le propriétaire des vignes, le temps de recevoir un conseil, un commentaire. Étirer son dos. Être fier de la taille d’un pied en particulier, puis pester le pied suivant contre la disposition pas du tout commode des bourgeons. S’apercevoir qu’il commence à être tard, que la lumière est basse. Rentrer fourbus, et pour clore la journée, affûter la lame de son sécateur pour le lendemain.