Nos meilleurs alliés, ce sont les anciens vignerons du village. Les tracteurs sont arrivés tard à Cahors, en tout cas sur le Causse. Et on trouve aisément des vignerons de 70 ans qui ont travaillé leur vignoble avec des animaux, souvent avec des bœufs, et qui sont fiers de montrer les jougs des différents attelages. Piocher les vignes, couper la cime à la faucille, ils connaissent. Ils ont fait cela plus souvent qu'à leur tour. Alors quand nous allons vers eux pour demander conseil, on sent leur jeunesse remonter à la surface. Des années de mascagne, comme on dit ici, de travail harassant et pénible, mais des années « où l’on savait travailler la vigne ». Sans verser dans la nostalgie de cette époque où les kilos de raisin réclamaient, pour arriver à la cave, encore plus de sueur qu’aujourd’hui, le récit des vignes menées en gobelet, sans palissage, au cheval, alors que chaque ferme possédait aussi un petit troupeau de vaches pour le lait et l’indispensable fumier, est franchement passionnant.
Le savoir-faire de ces vignerons à l’ancienne est une mine d’or. Dans l’immédiat, nous en retirons pour notre travail des choses très simples : quelle forme de pioche utiliser dans les cailloux du Causse, comment entretenir la lame de sa faucille à la parcelle, de quelle façon restaurer la cage d’un pressoir manuel… Et puis nous prend aux tripes l’envie de retrouver ce goût tombé dans l’oubli, puisqu’aujourd’hui 95% des vignes sont palissées sur des fils de fers ; que les cépages ancestraux Jurançon noir et Valdiguié, qui côtoyaient le Côt, ont été bannis du cahier des charges de l’AOC au profit du Merlot, considéré comme améliorateur. Forcément, cela nous appelle.
Un pulvérisateur à dos, 22 kg sur le dos lorsqu'il est plein, et des temps de traitements qui se comptent en journées. Nos amis nous avaient prévenus : « vous allez en chier ». C’est vrai. Mais il faut bien cela pour espérer gagner contre les champignons et sauver sa récolte.
Nous conduisons notre hectare comme un jardin.
Nicolas