Au début d'un projet d'installation agricole, lorsque l'on est comme nous dans la phase de recherche d'une terre pour se mettre au travail, se pose immédiatement une question : veut-on louer, ou bien acheter ?
Louer une terre, c'est faire "du fermage". Le propriétaire loue ses terres, ou ses vignes, ou n'importe quelle autre culture, à un agriculteur qui entreprend de les mettre en valeur.
Les loyers sont encadrés par l'Etat, via la préfecture de chaque département, qui les réévalue chaque année selon la qualité de la terre et la région agricole. Par exemple, en 2015, dans notre coin, des terres nues de qualité se loueront entre 121 et 135 euros. Pour des surfaces en vignes d'appellation, ce sera entre 420 et 700 euros. Il y a également des modulations selon la durée de location, mais on s'en tiendra là.
Il était autrefois possible de payer en denrées, en nature. C'est encore possible aujourd'hui, mais uniquement pour les cultures pérennes. Dans le cas des vignes, il faudra donner entre 6 et 10 hL par hectares au propriétaire.
L'encadrement de la location de terres par l'Etat s'applique aussi aux durées de location, aux baux. Parmi les multiples baux, un des plus importants est le bail rural. Il dure 9 ans, tacitement reconductible, et ne nécessite pas de passer devant un notaire. En fait, il ne nécessite même pas de contrat écrit : s'il y a travail de la terre et paiement, c'est cette disposition qui s'applique. Le renouvellement, à chaque fois pour une période de 9 ans, est quasiment automatique. Les motifs de non renouvellement sont peu nombreux : reprise d'exploitation, arborisation, non-exploitation par le locataire.
Cependant, pour sécuriser son bail pour une plus longue période, on peut utiliser d'autres baux : sur 18 ans, sur 25 ans, voire de carrière, qui s'arrêtera à la retraite du locataire. Ces baux nécessitent de passer par un notaire.
La location agricole est une option assez sûre. Les baux sont très protecteurs pour les locataires et les problèmes sont rares. Pourtant, certains agriculteurs perdent leurs fermages avant l'heure : parce que le propriétaire active son droit de reprise au bout de 9 ans, ou par une entourloupe sur le plan du droit rural. Certains aussi voient l'herbe de leurs prés fauchée par un voisin parce que le propriétaire a "changé d'avis". C'est extrêmement rare, mais cela arrive. Quand c'est le cas, les personnes hésitent à poser un recours devant le Tribunal des baux ruraux : c'est mal vu, c'est lent, c'est compliqué. On préfère utiliser son énergie pour trouver d'autres terres, ou se reconvertir : abandonner l'élevage de brebis, faute de prairies, et devenir paysan-boulanger, par exemple.
Et puis il y a l'achat. C'est une méthode plus directe et plus onéreuse sur le court terme. L'achat doit se faire devant notaire, et il faudra également se soumettre à l'arbitrage de la SAFER.
Cette instance est une société anonyme, dont les actionnaires sont les organisations professionnelles agricoles (dont la FNSEA, comme syndicat majoritaire) et les collectivités territoriales, doté d'une mission d'intérêt général : favoriser l'installation des agriculteurs et l'agrandissement des exploitations trop petites pour être viables. En bref : maintenir les terres agricoles et les attribuer à des agriculteurs. Pour des nouveaux arrivants comme nous, c'est parfois une source de stress de penser que la SAFER pourrait bloquer le projet, et opter plutôt pour l'agrandissement des voisins. Le rôle de la SAFER est assez central dans les installations, nous en reparlerons immanquablement bientôt...
De notre côté, c'est bien l'achat que nous privilégions. Louer nous paraît une option intéressante, mais seulement pour compléter un îlot central en propriété. C'est important pour une culture pérenne comme la vigne, où l'on est constamment en train de préparer l'avenir lointain (par la taille, par le remplacement des pieds morts, etc.). Certains viticulteurs louent l'ensemble de leurs terres ; ils sont rares, et souvent en cave coopérative.
Personnellement, pour construire une gamme de produits, équiper un chai, convertir des parcelles en viticulture biologique, entreprendre des changements culturaux, nous voulons nous sentir chez nous. Savoir que nous pouvons prévoir sur le long-terme.
A la question du début de l'article, quand nous répondons "Acheter, en priorité", voilà tout ce que ça implique d'analyses et de sous-entendus.
Nicolas