Elle est venue à tâtons, sans se faire remarquer et soudain elle prend toute la place. Elle est là, au milieu de la pièce à ronfler tranquillement sur le tapis, elle est aussi grande que lui, et nous, réfugiés sur le canapé qu’on a poussé tout contre le mur, on a peur qu’elle se réveille. Alors même que c’est trop tard, elle est déjà là, et elle a laissé ses poils partout.
L’envie.
L’envie que notre temps soit à nous même s’il s’échappe dans la liste sans cesse renouvelée des choses à faire, l’envie d’être dehors, de fouler la terre, de cuire sous le soleil de l’été et geler au froid de l’hiver, d’être dedans aussi, de pomper, nettoyer, fouler, décuver, de faire des étiquettes, de la compta, des papiers, de parler, d’expliquer, de tâtonner, d’être perdus, exaltés, curieux, de tout faire en disant qu’on a le temps de rien, de regretter parfois, de découvrir des choses par erreur, parce qu’on s’est trompés, d'ouvrir des quilles avec les copains aussi, et de refaire le monde…et tant de choses encore. L’envie de faire du vin, avant tout et même si ce n’est pas tout. La toute petite partie emmergée de l’iceberg qui justifie tout le reste. Le sommet caché par tous les autres qui permet de mettre un pied devant l’autre malgré la fatigue.
Cette envie là elle est venue et elle ne nous a plus lâchés. Alors, elle est devenue le moteur de nos vies. Et on avance.