J’ai passé les sept premières années de ma vie au Mexique. En plus d'un goût certain pour les bonbons acides et sucrés à la fois, j'en garde des souvenirs nombreux et diffus, ainsi qu'un amour inconditionnel pour ce pays. Je me sens profondément mexicaine autant que française, même si mes papiers et mon visage ne le disent pas. Cette double nationalité de cœur est un vrai déchirement : je sais que toute ma vie, l’un des deux pays me manquera dès que je serai dans l’autre. C’est aussi une grande force et une grande richesse, le Mexique étant, à mes yeux, un pays aussi complexe et fascinant que la France sur bien des tableaux. Le Mexique me manque tellement au quotidien que je ressens souvent le besoin d’y retourner. C’est l’occasion pour moi de revivre des sensations oubliées, des souvenirs échappés de mon enfance. Certaines émotions sont restées intactes, bien à l’abri à l’intérieur du pays, lovées au creux des montagnes de Xalapa. Des odeurs, des goûts, le contact de l’air sur ma peau, une certaine atmosphère, que je n’ai plus rencontrés nulle part ailleurs. Ainsi, retourner au Mexique ressemble à un voyage dans les confins de ma mémoire. Car mon enfance est un pays. C’est ce que je me suis dit en croquant dans un morceau juteux de jicama au citron et au piment, devant les pyramides en ruines d'El Tajin, que j’avais si souvent grimpées avec mes frères et qui me laissaient pantelante d’avoir levé les pieds si haut. Proust décrit très bien cet afflux de sensations remontées directement de notre enfance, un vague et lumineux brouillard des sens, nous replongeant dans des souvenirs oubliés. Mes jambes en ont presque vacillé. Cette impression, je l’ai aussi reconnue en m’emplissant les poumons de l’odeur de cempasuchil qui embaume les rues et les cimetières pendant la Fête des Morts mexicaine. Et je l’ai revécue en entendant les mariachis jouer près des tombes en fleurs, au milieu des lueurs chaudes des bougies. Le Mexique a bien changé depuis mon enfance, il s’est rapidement modernisé et, en se promenant dans les rues coloniales de Oaxaca, on pourrait imaginer être dans une ville portugaise ou espagnole un brin exotique. Mais les odeurs, les sons, les ambiances et les saveurs ont su rester les mêmes. Il y a toujours les cireurs de chaussures dans le Zocalo, le stand de jus d’oranges frais qui parfume le quartier, le café torréfié, les vendeurs ambulants qui chantent leur litanie à travers la ville, les tortillerias qui répandent l’odeur si caractéristique de masa et les puestos de tacos au coin de la rue. Il y a toujours autant de topes qui font brinquebaler les autobus sur les routes, cet accent inimitable et ces expressions imagées qui fleurissent les conversations, des femmes fières et belles dans leurs broderies traditionnelles et leurs tresses pleines de rubans, les repas pimentés, les œufs et les haricots refritos du matin, les voladores qui se jettent du haut de leurs mâts au son de la flûte dans une danse avec la mort sans cesse renouvelée. Toutes ces petites choses qui font l’âme du Mexique et qui redessinent les paysages de mes souvenirs. - Maya -
1 Commentaire
Bertrand
24/11/2015 09:50:17
Super post
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Le domaine de la Calmette est situé à Trespoux-Rassiels, sur le plateau qui surplombe Cahors : entre ciel et terre, les pieds dans le calcaire du causse et la tête dans les nuages.
Sur ce blog,nous vous raconterons mois après mois notre chemin de jeunes vignerons et ses nombreux détours.
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