Pour commencer, début décembre, nous avons officiellement signé, chez le notaire, la reprise de 6 hectares de vignes. C'était prévu depuis le début. Sept hectares en tout, ça fait des vignes à tailler ! Surtout que nous prenons le temps de bien faire les choses, par exemple nettoyer les pieds, ou bien éborgner quelques bourgeons sur la baguette pour mieux étaler la végétation.
Bilan : nous avons passé l'hiver au grand air, avec le bonheur de travailler dans les vignes quasiment tous les jours. Des journées où il fait trop mauvais pour sortir, il y en a finalement très peu. S'il fait froid, on rajoute un pull, voire deux. S'il pleut un peu, on met un imper et on va tirer les bois. Et s'il pleut beaucoup… bon, d'accord, on se sert une tasse de thé vert et on reste travailler à l'intérieur.
La taille Guyot Poussard se met en place doucement. Sur la parcelle de Bois Grand, que nous taillons pour la deuxième année, l'architecture des ceps devient plus évidente. Sur la grande majorité des pieds, on retrouve bien un courson de chaque côté, et la baguette au-dessus. Quand on arrive à tailler un pied comme sur la photo ci-dessous, on est heureux. C'est simple. Le flux de sève du courson restera indemne, les coups de sécateurs se feront sur le dessus.
L'année dernière, j'avais promis de faire un essai et de comparer avec la taille Guyot "normale". Malheureusement, nous en avons été incapables. Tailler sur deux coursons nous est devenu tellement logique et tellement automatique, que se glisser dans un autre système de taille, tirer une baguette au lieu de faire un courson, n'est quasiment plus possible.
Notre première action d'aspirants, ça a été d'introduire les préparations biodynamiques dans notre tas de fumier en train de composter. Les journées précédentes avaient été plutôt répétitives : tailler, attacher. Tout d'un coup, nous nous sommes retrouvés dans un tas de fumier frais, avec des préparations en petits pots de verre, pour ensemencer cette fertilisation en micro-organismes. Plutôt que de penser à un seul pied de vigne, nous passions soudainement à la faune et à la flore des sols de nos parcelles.
Le plan, c'est que ces larves et ces papillons servent de repas à d'autres espèces. Comment nous comptons nous y prendre ? Déja, nous laissons pousser de l'herbe pendant l'automne pour héberger des insectes prédateurs et des araignées. Avant de s'installer à Trespoux, nous avions aussi l'idée de planter des haies, des arbres, mais ici les vignes sont entourées de forêts de petits chênes opiniâtres, de haies de cornouillers et d'églantiers, bref, de ce côté-là, la nature fait bien les choses et les alentours ne manquent pas de refuges pour la biodiversité. Mais nous allons tout de même donner un petit coup de pouce en installant cette année des abris à chauve-souris, et l'année prochaine certainement des abris à passereaux, confectionnés avec soin dans l'atelier du paternel. Les papillons de nuit et les escargots n'ont qu'à bien se tenir...
Et le vin ? Il s'est un peu réchauffé, mais pas de trace de malo. Patience, patience.
A présent, le printemps avance à deux cents à l'heure. La vigne a débourré, étalé ses premières feuilles et les bourgeons floraux sont partout bien visibles. Les lilas ont fleuri avec deux semaines d'avance, et les nombreux iris, au pied des murets de pierre sèche, sont aussi très précoces. Dans les sous-bois, le muguet est sorti depuis début avril. Tôt, trop tôt, et il y a toujours un ancien pour se rappeler l'année où c'est arrivé, et où ça s'est mal passé.
D'ailleurs, cette semaine, la météo annonce plusieurs nuits de froid, avec des températures négatives. Et la vigne va peut-être geler. Beaucoup, un peu, pas du tout ? Nous allons croiser les doigts, pour nous sur les plateaux et pour les autres, dans la vallée et partout ailleurs en France.