Le Sud-Ouest mis à part, nous nourrissons depuis longtemps une tendresse particulière pour les terroirs calcaires. Cela tient à rien, cette signature du calcaire : le sentiment fugace de tension sur la fin de bouche, la droiture, la vivacité traçante. La puissance aussi, lorsque par bonheur l’argile s’en mêle…
Sud-Ouest, calcaire. Voilà ce qui nous a amené à Cahors un après-midi de décembre. Nous avions lu des commentaires élogieux sur les vins de Fabien Jouves et lui avons rendu visite dans son domaine de Trespoux-Rassiels. Fabien est arrivé des vignes, visiblement heureux de sa journée, et a entrepris de nous faire goûter tous ses vins et toutes ses cuves.
De Cahors, je ne connaissais globalement que les vins des terrasses quaternaires, que j’avais pu goûter lors de mes études à Toulouse à la fin des années 2000. À l’époque, l’appellation communiquait encore sur le « Vin Noir ». Et effectivement, lorsque nous prenions le métro pour rentrer après une matinée de dégust’, mes condisciples et moi avions les lèvres et les dents bien teintées, attirant sur nous les regards outrés et vaguement réprobateurs des autres passagers de la rame. Les matières de ces vins étaient intenses et soutenues par des élevages sous bois prolongés. Si j’ai goûté des vins issus des plateaux calcaires à l’époque, je n’ai pas su ou pas pu les distinguer.
Je ne crois pas vraiment à l’idée d’un instant décisif, qui change pour toujours une trajectoire, un destin. Toutefois, dans le chevelu racinaire dense et ramifié des causes et des effets, je dois à cet après-midi chez Fabien Jouves, et à la bouteille de La Roque qu’il a dégusté avec nous, cette conviction profonde qu'il était possible de nous installer sur les hauteurs de Cahors et de travailler à élaborer des vins que nous aimerons passionnément.
Aux racines de cette aventure que nous racontons mois après mois, il y a donc un peu de ce vin. À présent, nous travaillons des vignes sur ce plateau calcaire qui nous a tant appelé. La floraison se termine, les grains de raisin de notre première récolte sont en train de se former. Mais c’est déjà une histoire de fruits, et plus vraiment une histoire de racines...
Nicolas